Psaume 75 — Notes


Ps 75, 1
Pour l’accomplissement
Hébreu : lamnatséah

On peut aussi lire À l’accomplissement (voir note détaillée sur ce mot au Lexique : vers la perfection).
Le messie des derniers temps va annoncer (verset 10) l’accomplissement du dessein divin. C’est le temps du règne de Dieu, du rassemblement des hommes devenus des justes. C’est la fin des révoltes contre Dieu et contre son messie (Psaume 2 , 2).


Ps 75, 1
Tu ne laisseras pas se corrompre (souvent lu d’après LXX : « ne détruis pas »)
Hébreu : al-tashhét

L’expression al-tashhét se rencontre cinq fois dans la Bible :
- au premier verset des Psaumes 57, 58, 59 et 75 ;
- en Deutéronome 9, 26.

1) David
Les trois psaumes 57, 58 et 59 sont des « mikhtam de David ». Le mikhtam (de la racine katam = « clore, cacher ») est un poème mystique où l’âme considère ce qu’elle a de plus précieux (de la même racine, kétem désigne l’or fin en poésie), où elle examine avec retenue ses désirs les plus secrets.

Ces textes se rapportent à la persécution dont David fut l’objet de la part de Saül, qui le poursuivit jusqu’au désert de Juda (Ps 57, 1 et 59 ,1 ; cf. 1 Sam, ch. 24 à 26 et le commentaire du Ps 63). C’est au cours de cette épreuve que Dieu livra Saül à la merci de David. Tenté d’exterminer son persécuteur, David lui laissa la vie sauve.

La méditation des Ps 57, 58 et 59 est une sorte de veillée d’armes, un débat intérieur assez violent mais soutenu par la prière et la confiance en Yhwh : David se prépare à son face-à-face avec Saül. Parce qu’il lui fera grâce, David deviendra pour Saül le témoin de la miséricorde divine, instrument pour Dieu qui désire la conversion du pécheur (Saül), non sa mort.

En s’ouvrant sur la même parole, « al-tashhét », le Ps 75 s’inscrit dans ce même mouvement de la miséricorde divine dont le messie est désormais porteur. Au moyen de cet incipit commun, le Ps 75, sans nommer le messie, fait de lui, aux derniers temps, le fils spirituel de David : il a le pouvoir de détruire reçu au Ps 2, mais aussi et surtout le pouvoir de faire grâce qu’il invoque en premier au Psaume 75.

2) Moïse
Au Deutéronome, Moïse expose aux fils d’Israël comment il est intervenu auprès de Yhwh qui voulait consumer ce peuple “ à la nuque raide ”, un peuple qui n’avait pas tardé à se corrompre en adorant un veau d’or. Il dit :
J’intercédai auprès de YHWH, disant : « Seigneur YHWH, tu ne laisserais pas se corrompre ton peuple, ton héritage, que tu as racheté dans ta grandeur, que tu as fait sortir d’Égypte par ta main puissante ? » (Dt 9, 26)
C’est ici que le verbe shahat (se corrompre) entre dans l’expression al-tashhét, « Tu ne laisseras pas se corrompre ». La présence de cette formule en tête des quatre Ps 57, 58, 59 et 75 signifie que le messie se trouve alors en dialogue avec Yhwh, comme Moïse était en dialogue avec Yhwh lorsqu’il employait la formule en Dt 9, 26 : « Tu ne laisseras pas ton peuple se corrompre ».

On trouvera, dans les Commentaires sur le Psaume, une étude plus détaillée sur ce qui relie la situation du messie en Ps 75 à l’expérience vécue par Moïse au livre de l’Exode, et qu’il rapporte au peuple dans le livre du Deutéronome.

3) Remarque grammaticale
Ces observations sont possibles dans le texte hébreu qui fait apparaître la même expression al-tashhét dans les cinq occurrences, Psaumes et Deutéronome. Pour cela, il faut lire partout ce qui est écrit. Or les Septante n’ont pas lu cette formule de la même manière dans les cinq cas. Pour les quatre psaumes, le grec emploie le même verbe diaphtheiro dans lequel l’idée de corruption est bien représentée ; mais en Dt 9, 26 on trouve un verbe différent, olethreuo (exterminer, détruire), qui ne rend pas compte de la corruption, et surtout, qui s’écarte des autres, détruisant ainsi le lien entre l’incise des quatre psaumes et le passage qui les inspire.

De plus, dans l’expression al-tashhét, sous l’influence probable du grec Dt 9, 26, le verbe hébreu shahat est lu à tort par tous les témoins comme une forme causative active (hiphil), ce qui lui donne le sens de « faire périr » (lecture généralement rendue par détruire). Pourtant, la forme active exacte se rencontre elle aussi (Lv 19, 27, Dt 20, 19.20) avec le sens de « faire périr » (tu ne détruiras pas), mais elle est écrite avec un yod, tashhyt, conformément à la grammaire, et non tashhét, voix passive (hophal) qui s’écrit sans yod.

La forme verbale tashhét est bien à la voix passive, et le sens de l’expression al-tashhét n’est pas « tu ne détruiras pas » mais bien « tu ne laisseras pas se corrompre ».


Ps 75, 1
Psaume pour le rassemblement cantique
Hébreu : mizmor leasaph shir

Le verbe asaph signifie assembler, rassembler, mais ici, le mot est un nom commun masculin, bien que Asaph se rencontre plus souvent comme nom propre. Ces homonymies ne sont pas rares, par exemple adam (hominidé ou Adam), ou ahaz (possesseur ou Achaz), noms propres et/ou noms communs qui reproduisent, comme asaph, la forme verbale du radical. D’autres noms communs (quoique inconnus comme noms propres) sont construits de la même manière sur la forme verbale, tels aman (artificier), asham (dommage), pour ne citer que ceux dont la première lettre est aleph.

Par ailleurs, l’expression mizmor leasaph en tête du psaume ne signifie pas qu’un chantre nommé Asaph en soit l’auteur. L’expression mizmor ledawid ne signifie pas non plus que David soit l’auteur du psaume ainsi intitulé, mais que ce texte relève de la spiritualité de David. Le Psaume 75 nous parle de la spiritualité du rassemblement cantique, c’est-à-dire de l’assemblée des justes qui chantent la louange de Dieu.


Ps 75, 2
Nous te louons
Hébreu : hodinou lekha

C’est le verbe hodah, « confesser, avouer, louer ». Le sens du verset est bien : nous confessons le nom divin.


Ps 75, 4
Attention !
Hébreu : sélah !

Ce mot intraduisible est destiné à attirer l’attention. Il marque généralement une pause dans le discours.

Ici, cette pause introduit deux parties parallèles de l’exposé. Dans les versets 5 et 6, le messie fait part des avertissements qu’il a donnés à ceux qui ne cherchent pas Dieu. Au verset 7, il reprend le fil interrompu à la fin du verset 4 (la terre est en train de se dissoudre…) : Attention ! Car ce n’est ni du levant etc.


Ps 75, 5 & 6
force (spirituelle)
Hébreu : qéren

Ce mot, parfois traduit par « corne », est ici au singulier.
On trouvera au Glossaire, à l’article corne, force spirituelle, une note détaillée sur cette notion essentielle.


Ps 75, 9
YHWH

Voir au Glossaire le Nom divin.
C’est ici la seule mention du tétragramme, dans tout le Ps 75.
Au début du psaume, ainsi qu’au verset 8, le messie des derniers temps appelle ou nomme Dieu Élohim, nom universel connu du monde entier. Puis ici, au verset 9, il décrit aux fils d’Israël le sort des révoltés qui ne craignent pas Dieu, selon la parole de Yhwh (parole adressée au messie David par le Dieu révélé à Israël) à l’intention de ceux qui refusent de vivre en fils (Ps 2, 12). Enfin, au verset 10, le messie nomme le Dieu de Jacob, car il s’adresse à la fois aux fidèles d’Israël et aux hommes venus, à la suite de David, reconnaître le Dieu d’Israël sans avoir connu Yhwh ; il leur dit qu’il va élaguer, donc supprimer les rameaux improductifs que sont les révoltés ennemis de Dieu.


Ps 75, 10
j’annonce l’éternité
Hébreu : aggid le'olam

Voir au Glossaire le mot 'olam : Temps secret, éternité.
Le verbe nagad (à la forme causative higgyd : dire, présenter, annoncer, manifester, exposer, expliquer) a un dérivé très présent dans la Bible, c’est le mot nagyd (chef, leader, intendant), souvent traduit par « prince », car ce chef est celui qui, au nom du roi son père, conduit l’action du peuple en exposant (expliquant, etc.) ce que le roi veut faire. Ici, le messie des derniers temps est l’intendant divin qui conduit le peuple de Dieu, selon la volonté divine, jusqu’au temps secret des noces mystiques.

Le mot nagyd est associé au mot messie, une seule fois dans la Bible, pour nous dire que le messie des derniers temps est ce « prince messie » (hébreu mashiah nagyd) annoncé par le prophète Daniel (9, 26) selon la parole que le messager divin, l’homme Gabriel, lui a révélée dans une visite furtive à l’heure de l’offrande du soir.


Ps 75, 10
je vais émonder
Hébreu : azammerah

Le verbe émonder, zamar, est au Piel, action forte et volontaire. Le messie devient ici le jardinier du Dieu de Jacob, qui élimine les rameaux improductifs, ceux qui ne produisent aucune force spirituelle.


Ps 75, 11
le pouvoir des malfaisants
Hébreu : qarené reshaym

Littéralement « la corne des malfaisants ».
Le mot corne est ici au duel, pluriel réservé à ce qui va par deux (les mains, les yeux). En français, ce duel est avantageusement rendu par un singulier, comme on dit « l’œil vif », ou « la main ferme ».
(Voir au Glossaire l’article corne, force spirituelle)

En hébreu, le pluriel de malfaisant est le même que celui de malveillance. On peut ici employer indifféremment l’un ou l’autre mot, puisqu’il ne s’agit pas d’anéantir l’homme mais son pouvoir malfaisant.


Ps 75, 11
forces
Hébreu : qarenot

Le mot corne, qéren, est ici au pluriel ordinaire. Ces « cornes » représentent des forces combatives soutenues par le pouvoir divin.
(Voir au Glossaire l’article corne, force spirituelle)