corne, force (spirituelle)
Hébreu : qéren

Le mot hébreu qéren fut autrefois un symbole puissant. Bien qu’il désigne parfois les cornes d’un animal et le plus souvent (un tiers des occurrences) les quatre coins de l’autel des sacrifices dans la Tente de Yhwh ou dans le Temple, il faut comprendre que ces objets sont des symboles pointant sur une réalité invisible que faute de mieux nous appellerons « force spirituelle ». Mais le sens de qéren s’est appauvri après les Hébreux. Le mot n’évoquait plus une notion spirituelle que si le texte l’imposait explicitement, par exemple appliqué à l’homme. Comme il est fréquent dans l’évolution du langage, l’objet sensible a pris le pas sur la réalité invisible qu’il représente.

À l’origine (1), qéren peut évoquer un bossage, un point dur, la fonction physique élémentaire d’un obstacle contondant, obstacle dont la résistance à la pénétration protège l’objet qui le porte. Par extension, il désigne ensuite l’organe avec lequel un animal est protégé dans sa lutte pour la vie ; la force frontale du bélier ou du taureau s’exprime par ses cornes, moyen de sa défense contre ce qui s’en prend à sa vie. Enfin, le même mot désigne l’organe invisible mais pourtant bien réel avec lequel l’homme assume cette même fonction, l’organe de sa force spirituelle, son arme dans le combat qu’il doit livrer contre la mort, sa protection contre le mal.

Cette force morale est celle qui donne à l’homme victoire sur l’ennemi, comme le suggère Moïse pour décrire Joseph dont les « cornes » [sont] celles de la licorne ; avec elles, il affrontera des peuples ensemble, jusqu’aux extrémités de la terre (Dt 33, 17). Cette comparaison avec la combativité animale ne doit pas nous induire en erreur ; malgré des apparences souvent contraires, l’ennemi n’est pas un agresseur venu de l’extérieur, mais notre péché qui fausse en nous la compréhension du monde. Ce qui permet de dominer l’ennemi n’est pas la supériorité sur l’autre, mais bien cette force de l’innocence, de la douceur et de l’humilité, ayant pour fruit la bénédiction que le ciel accorde à l’amour désarmé. Pour en représenter la vertu nécessaire l’Écriture a choisi la licorne, animal fabuleux qui symbolise la pureté morale incorruptible d’un esprit libre, insaisissable.

Le singulier

Lorsqu’il est employé au singulier, le mot qéren exprime presque toujours ce réconfort que Dieu accorde à son serviteur ou à sa servante dont l’humble prière crie vers lui. Après que sa prière a été entendue, Anne rend grâce à Yhwh, qui l’a délivrée de la stérilité en lui accordant un fils (Samuel) :

Mon cœur exulte en YHWH. Ma force est élevée en YHWH.
Ma bouche s’élargit contre mes ennemis. Oui, je me réjouis de ton salut.

(1 Samuel 2, 1)
Yhwh protège son élu. Il donne sa force à son messie, qui reçoit l’onction d’huile en signe de son élection :
Il donne la puissance à son roi, il élève la force de son messie (1Sam 2, 10),
geste divin que décrit le verbe « oindre » (mashah), racine du mot « messie » (mashiah).

Dans ces deux emplois de qéren (les deux premiers au singulier dans la Bible), le mot a bien le sens d’une « force » ; le premier qéren ouvre et le second ferme le cantique de Hannah (Anne), prière dont chaque verset nous dit que Dieu accorde aux humbles sa force et sa bénédiction, qu’il abaisse les orgueilleux. La “ corne d’huile ” (qéren shémen) avec laquelle Samuel ira plus tard oindre David (1Sam 16, 1) symbolise ce pouvoir que Dieu donne à son élu ; on en retrouvera l’image jusque dans le coteau fertile de la vigne du bien-aimé (Isaïe 5, 1), nommée littéralement “ corne fils-de-gras ” (qéren ben-shamen). Car Israël, comme David, est le bien-aimé qui reçoit de Dieu cette « corne » de puissance et de bénédiction :

Tu élèves ma « corne » comme licorne ; je suis baigné d’huile fraîche. (Ps 92, 11)

On observe que le singulier de qéren est absent de la Torah de Moïse (Pentateuque). Au singulier, qéren recouvre une notion élaborée dont le sens ne s’éclaire qu’avec l’étude des pluriels, notamment ceux du Pentateuque.

Le pluriel

Le mot qéren a deux pluriels possibles, ce qui donne à penser qu’ils n’ont pas tout à fait le même sens. Le pluriel ordinaire est féminin, comme le singulier ; l’autre est un duel, pluriel employé pour tout ce qui va par paire inséparable dans l’action, comme les yeux, et ici les cornes d’un animal.

Le pluriel ordinaire (qeranot, qarenot) se rencontre essentiellement pour désigner les coins de l’autel (25 occurrences dont 17 au Pentateuque). Dans un emploi différent il désigne un objet de commerce (ils t’achetaient, avec des cornes d’ivoire et de l’ébène - Éz 27, 15), ce qui peut faire croire que les cornes de l’autel n’avaient que la richesse décorative d’un objet dénué de sens. C’était peut-être vrai pour le Temple, après Salomon, mais en ce qui concerne la Tente de Yhwh, le livre des Rois nous détrompe en rapportant l’attitude d’Adonya, demi-frère de Salomon qui tenta de régner avant lui. Prévenu de cette tentative d’usurpation, David fit oindre Salomon sans délai pour lui succéder, et en apprenant cela Adonya prit peur : il alla se réfugier dans la Tente de Yhwh pour se faire confirmer par les cornes de l’autel (1 R 1, 50-51). Plus tard, Joab, qui avait suivi le parti d’Adonya, apprenant que Salomon avait fait périr celui-ci, alla lui aussi se réfugier dans la tente de Yhwh pour se faire confirmer par les cornes de l’autel (1 R 2, 28).

Le geste d’Adonya et de Joab nous enseigne qu’un sens symbolique fort était attaché aux cornes de l’autel, donné dès l’origine par Moïse et Aaron qui les avaient purifiées avec le sang des victimes porté de leur doigt (Lév 8, 15 et 9, 9). Il faut relire le passage relatif au sacrifice d’Abraham (Genèse, ch. 22) pour comprendre la portée de ce symbole. En acceptant de sacrifier sur l’autel ce que Dieu demande de lui consacrer, l’homme, depuis cette « montagne » où Dieu l’éprouve, où il est vu par Yah (Moriyah), l’homme apprend à se détacher des possessions qui le retiennent dans sa montée spirituelle, et qui le paralysent parce que sa « corne » reste empêtrée dans le fourré comme l’était la « corne » d’Abraham aimant Isaac d’un amour trop possessif. Les cornes de l’autel représentent les forces spirituelles des hommes qui, en réponse à l’appel divin, sacrifient sur cet autel leur bien le plus précieux.

Toutefois, Dieu agrée un sacrifice en vérité, non les apparences d’un rite, et ce que Dieu donne n’est jamais un acquis ni un dû. C’est pourquoi il est arrivé que Yhwh accorde à d’autres, au détriment de son élu Israël, des pouvoirs donnés à celui-ci lorsqu’il marchait avec son Dieu. C’est ce que le prophète Zacharie, sur un autre registre, illustre dramatiquement avec sa vision de la dispersion de Juda, Israël et Jérusalem (Zac 2, 1.2.4). Dans cette vision, les quatre cornes sont comparées (ou confrontées) à quatre tâcherons, force combative et bras armé d’un pouvoir qui n’est pas le leur mais celui de la puissance divine sanctionnant des coupables.

Le duel (qarenaym) apparaît pour la première fois en Genèse 22, 13 (c’est aussi la première occurrence de qéren, toutes catégories confondues), précisément dans ce passage où Abraham, levant les yeux, voit un bélier immobilisé, pris par ses cornes dans le fourré. Cette première occurrence biblique ne livre son sens fondateur qu’après analyse du texte (cf. Le sacrifice d’Abraham), sens qui se précise avec les emplois suivants du duel, en particulier avec les deux emplois de Dt 33, 17 (cité plus haut) où les « cornes » de Joseph sont dites « cornes » de la licorne. La corne unique de cet animal symbolique confirme la volonté des Hébreux de souligner, par l’image tirée du bestiaire, ce que déjà leur langue fait pressentir : l’unité d’action dans l’emploi de qéren au duel. Les « cornes » du « vivant élevé » (qarené réem), ou corne indivise de la licorne, sont signe de la force, du pouvoir, de la puissance que Dieu confère à l’unité de l’esprit. Seul plaît à Dieu un esprit sans arrière-pensées, qui ne retient rien pour soi ; il peut alors tout recevoir de la divinité qui l’appelle, tous les pouvoirs.

En effet, quoi qu’en disent les fils de Jacob qui s’imaginent l’avoir acquis par leurs propres forces (Amos 6, 8.13), c’est Dieu qui accorde ce pouvoir à ceux qui marchent à la lumière de sa face :

En ton nom, ils se réjouissent tout le jour
de s’élever par ta justice.
Car c’est toi la splendeur de leur force,
et c’est par ta volonté que notre puissance est exaltée.

(Ps 89, 17-18)

Pouvoirs et puissance

Mais cette force, accordée en vue de faire le bien, peut aussi servir à faire le mal. Comme ces mauvais bergers qui bousculent de leur « corne » (qarenaym) toutes les [brebis] affaiblies, jusqu’à les avoir dispersées au dehors (Ézéchiel 34, 21). C’est pourquoi Dieu retire ce pouvoir à qui l’utilise mal — La « corne » (qéren) de Moab est brisée, et son bras abattu, dit YHWH (Jér 48, 25) —, même, et peut-être surtout, s’il s’agit de son fils premier-né, qu’il a choyé depuis sa naissance :

Dans l’ardeur de sa colère, il a brisé toute la « corne » d’Israël :
il a retiré sa dextre, en présence de l’ennemi.
Il allume en Jacob comme un feu de fournaise, qui dévore tout alentour.

(Lamentations 2, 3)
Ce verset confirme que la puissance sur laquelle butait l’ennemi est bien celle de Dieu ; il a suffi que la faveur divine se retire, et la « corne » (qéren) d’Israël est brisée.
YHWH a fait ce qu’il avait prévu.
Il a exécuté à la lettre ce qu’il avait disposé depuis longtemps. Il a détruit sans pitié.
Il fait de toi la joie de l’ennemi. Il a élevé la « corne » de tes oppresseurs.

(Lamentations 2, 17)

On aperçoit déjà, dans ces mouvements d’attribution et de retrait de la qéren, les signes du jour de colère. Le mot figure en tête du verset Lam 2, 3, et le Psaume 2, qui s’y réfère explicitement, expose clairement ce jeu de bascule entre, d’une part, les hommes qui adhèrent à la filiation de Dieu (Ps 2, 12) en marchant à la lumière de sa face (Ps 89, 16), et d’autre part les rebelles, qui brûleront au feu de sa colère (Ps 2, 12 et Lam 2, 3). Le Psaume 75 va confirmer ce point de vue.

Le Psaume 75 est le seul texte où l’on trouve les deux pluriels de qéren dans un même verset. Le mot est d’abord employé au singulier, dans un conseil très ciblé qui reproche aux orgueilleux et à ceux qui se rendent coupables de malveillances de ne rien faire qui soit de nature à élever le niveau spirituel de la communauté (verset 5), rien pour élever leur propre spiritualité (verset 6). La sanction tombe au dernier verset, conformément aux avertissements du Psaume 2. Le messie des derniers temps annonce l’éternité et dit qu’il va émonder pour le Dieu de Jacob, c’est-à-dire éliminer les rameaux improductifs. Il précise :

Je briserai tout le pouvoir des malfaisants ;
les forces du juste vont s’élever.

(Psaume 75, 11)
Le mot ici traduit par « pouvoir » est le duel qarenaym que le prophète Ézéchiel emploie pour décrire le comportement coupable des mauvais bergers d’Israël ; le mot « forces » est le pluriel ordinaire qarenot que le prophète Zacharie emploie, au temps de la déportation à Babylone, pour décrire les forces qui ont dispersé Juda, Israël et Jérusalem. On peut ici comprendre que ceux qui se rendent coupables de malveillances vont se trouver réduits à rien, leur ressort brisé. Au rassemblement des justes, et le pouvoir et la corne d’abondance changent de main :
Le ressort des puissants anéantis
[devient] la force que ceignent les faibles ;
les nantis sont engagés à gagner leur pain
quand les nécessiteux s’en dégagent.

(Cantique d’Anne, 1 Samuel 2, 4-5)





rayonner
Hébreu : qaran

Le verbe qaran est rare. Il apparaît trois fois à la forme simple (Qal), au livre de l’Exode (ch. 34, vv. 29, 30 et 35) pour décrire le rayonnement du visage de Moïse, et une seule fois à la forme factitive (Hiphil), au Psaume 69 (v. 32), dans un emploi très particulier que nous examinerons plus loin, soit au total quatre emplois dans la Bible, c’est tout.

Les trois occurrences du livre de l’Exode sont exemplaires. Elles n’ont pas pour but, comme il est fréquent, de définir un mot qui doit ensuite accompagner le pèlerin sur son chemin spirituel avec la Bible, mais ces trois occurrences marquent plutôt un aboutissement, l’aboutissement que connaîtra le pèlerin en suivant les pas de Moïse. La première occurrence nous dit que Moïse, quand il descendit du mont Sinaï, ne savait pas que la peau de son visage rayonnait d’avoir parlé avec lui. Elle décrit le signe qui annonce cet aboutissement et nous en donne la nature : Yhwh parlait face à face avec Moïse, comme un homme parle avec son ami. (Ex 33, 11). Pour dissiper nos doutes sur ce que nous venons de lire, l’Écriture confirme que Moïse s’entretenait de manière suivie avec Yhwh — sur le mont Sinaï pendant quarante jours la première fois, dans la tente de Yhwh aux rencontres suivantes — ; que Moïse transmettait chaque fois aux fils d’Israël les instructions qu’il avait reçues dans l’entretien ; que les fils d’Israël effrayés ne pouvaient pas dévisager Moïse, qui devait se voiler la face après leur avoir transmis l’enseignement divin, et jusqu’au prochain entretien avec Yhwh. Moïse rayonnait d’avoir parlé avec lui.

Il est certain que Moïse, puisqu’il s’entretenait de manière suivie avec Yhwh, marchait à la lumière de sa face. Habité par la vie divine, le visage de Moïse ne pouvait que resplendir de la lumière de cette vie. Mais peut-on relier le verbe qaran, qui exprime le rayonnement du visage, au mot qéren qui décrit la force et la fécondité spirituelles ? Oui, l’expérience de Moïse est le lien qui unit ces deux mots. Il est écrit que l’homme Moïse était le plus humble de tous les mortels (Nb 12, 3). Cette qualité est le propre du juste qui ne recherche rien pour soi, qui accomplit la volonté divine sans se glorifier de rien, parce qu’il reconnaît en tout que c’est Dieu seul qui agit. L’humilité du juste répond parfaitement à l’appel divin ; elle fait les délices de Dieu, qui dès lors lui accorde tout pouvoir et le comble d’abondance. Dieu élève la qéren du juste qui accomplit sa volonté ; il lui donne la force spirituelle et en fait son témoin devant les hommes.

Observons que ce témoin authentique, Moïse, ne savait pas que la peau de son visage rayonnait. C’est ici l’occasion de noter que le véritable témoin ignore qu’il témoigne : son témoignage est involontaire. L’action de témoigner est encore une action divine. Cette observation a pour corollaire que celui qui cherche à témoigner fait fausse route. C’est Dieu qu’il faut chercher, son action qu’il faut reconnaître, et toute recherche d’objectif même louable aux yeux des hommes, est en réalité une recherche de soi. C’était l’erreur des contemporains de David, qui immolaient des taureaux sur l’autel en vue d’obtenir les faveurs de Yhwh. David les détrompe au Psaume 69, en stigmatisant le contre-emploi du verbe qaran qui exprime leur égarement :

Je célébrerai le nom d’Elohim par un cantique ;
je l’exalterai par la todah,
meilleure pour Yhwh qu’un taureau,
qu’on fait « rayonner » à faire partage.

(Psaume 69, 32)

« Faire rayonner » un taureau, signifie que l’on se sert du sacrifice de l’animal pour obtenir de Yhwh un relèvement de « corne », c’est-à-dire un relèvement des faveurs divines. Comment cela ? En distribuant aux pauvres les viandes sacrifiées, pratiquant ainsi le partage [3] tel que la Loi le demande (Dt 15, 7-8). Mais cette action n’est pas gratuite, elle n’est pas sainte, car elle est encore recherche de soi quand c’est Dieu seul qu’il faut chercher, Dieu dont il faut reconnaître l’action dans tous les évènements qui nous touchent : c’est cela confesser Dieu, avouer Dieu.


HebraScriptur 6.9



Notes


Note 1
On présente ici le mot qéren comme s’il avait été formé pour désigner un objet physique, qu’on aurait pris plus tard comme symbole d’une notion spirituelle. Cette présentation ne vise qu’à analyser le fonctionnement du symbole ; en réalité le mot a certainement été formé pour désigner la notion spirituelle, et l’on a ensuite seulement, choisi un objet du bestiaire pour représenter cette notion.

Le choix d’un animal imaginaire (la licorne) pour représenter la « force spirituelle » illustre la difficulté à décrire cette notion essentielle qui mesure l’élévation de l’homme vers Dieu. Une aide appréciable en ce sens peut nous venir de la lecture symbolique des trois lettres qui composent le mot qéren. Ces trois lettres peuvent exprimer le principe d’action (Resh) de la sagesse divine (Qoph) conduisant le germe de vie à son accomplissement (Noun final).
Le radical QRN — force, lumière, puissance et fécondité — est donc signe de la sagesse divine conduisant l’homme mortel vers son humanité, vers son accomplissement d’éternité. Pour cela, il faut que l’homme accueille avec humilité la gouvernance de ce chef invisible.

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Note 2
licorne (hébreu : réem)
N.B. : Le mot hébreu réem est ici traduit d’après les Septante (grec : monokéros = corne unique).

Beaucoup de lecteurs voient dans le réem un « buffle » que certains n’hésitent pas à nommer « taureau ». Mais le taureau correspond au mot hébreu pàr, et la ressemblance entre les deux animaux est trop grande pour ne pas comprendre que le choix du buffle n’a été fait que pour masquer notre ignorance : y avait-il des buffles en Palestine, et comment les nommait-on ?
La langue hébraïque nous aidera davantage. Les animaux sont souvent nommés d’après leur caractéristique principale : le lion est le déchirant, le taureau est le démolisseur. Or la racine du mot réem, ra'am, signifie « être élevé » ; de cette racine est issu le mot ra'mot qui désigne ce qui est élevé, les choses sublimes (Job 28, 18, Pr 24, 7).
On a pu voir (Bochart, cité par Davidson, 1850) dans le réem un oryx, sorte de gazelle africaine à cornes « cimeterre », longues et effilées. Le choix de cet animal est beaucoup plus adapté que celui d’un bovidé pour symboliser l’animal « qui s’élève », car l’antilope se déplace avec vivacité et sait habiter les hauteurs, comme nos chamois ou nos isards d’Europe : elle est proie difficile à saisir. D’autre part, les longues cornes parallèles et rapprochées de l’oryx achèvent d’en faire un modèle vivant de la licorne, un symbole très adapté aux qualités que cet animal imaginaire pouvait représenter dans l’Antiquité.

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Note 3
un taureau qu’on fait rayonner en partageant

Cette expression est généralement traduite ainsi : « un taureau ayant cornes et sabots ». La lecture n’est pas infondée mais elle ne respecte pas la grammaire.

Sur les 14 occurrences bibliques du verbe partager (pâras), 11 sont aux livres du Lévitique et du Deutéronome (en texte sacerdotal ?) avec le sens de « fendu » appliqué au sabot des animaux reconnus comme purs pour le rite sacrificiel ; deux se trouvent chez les prophètes (Isaïe 58, 7 et Jérémie 16, 7) avec le sens de « partager » le pain avec autrui.
Le sens à retenir ici est plutôt celui du partage, comme le voient les prophètes. D’autant plus que les verbes qaran et pâras sont tous les deux au participe actif de la forme factitive : ils ne sauraient passer pour les substantifs corne et sabot au seul prétexte que le sabot peut être regardé comme une corne fendue.

Le sacrifice offert sur l’autel était reconnu pour élever la « corne » du sacrificateur, et sa tentation était grande de sacrifier une offrande pour la distribuer aux pauvres (le partage) en vue d’accroître son propre « rayonnement ». Le Psaume 69 récuse ces pratiques en faisant valoir que Dieu n’agrée pas les apparences d’un rite calculé, mais accorde de la valeur au sacrifice “ en vérité ”, au sacrifice de louange (Ps 50, 14), au sacrifice de nos lèvres (Osée 14, 3) qui confessent son nom.

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