Psaumes des Montées Notes (suite)
- Ps 124, 1
Chant des montées. De David.
Ce titre uniquement en Ps 122, 124, 131 et 133.
- Ps 125, 1
ne chancelle pas
Le verbe chanceler est ici au singlier, de même que le verbe suivant, sétablir, alors que le sujet, les confiants en YHWH, est un pluriel. Voilà une forte aspérité du texte. Mais cette apparente faiblesse grammaticale cache en réalité une leçon spirituelle, déjà rencontrée au premier verset de la Bible : Dieux (i.e. Élohim, le sujet est un pluriel) crée (le verbe est au singulier). De même que les forces que nous adorons (Élohim) sont une unité spirituelle, ceux qui sont confiants en Yhwh sont eux aussi en unité spirituelle, en tant que confiants en Yhwh ; ils sont comme un seul peuple, ce que va confirmer le verset suivant.
Cette unité spirituelle est à limage du mont Sion, cité de David depuis que le roi a conquis cette forteresse (2 Sam 5, 7 et 1 Ch 11, 5), et résidence de Yhwh jusquau transfert par Salomon de larche dalliance vers le temple de Jérusalem (2 Rois 8, 1 et 2 Ch, 5, 2) ; son unité est inébranlable parce que fondée sur lalliance de Yhwh avec David.
- Ps 125, 1
pour le temps secret
hébreu : le-olam
En engageant sa foi en Yhwh, le pèlerin sassure la base solide qui lui permettra de vivre le temps secret (cf Ps 121, 8 et GLOSSAIRE). Le verset suivant explicite comment. Les montagnes entourant Jérusalem sont celles vers lesquelles le pèlerin levait les yeux au Ps 121.
- Ps 125, 2 (aussi 121, 8 et 131, 3)
et jusquau temps secret
hébreu : we-ad-olam (GLOSSAIRE : éternité, temps secret, olam)
Note développée au verset 121, 8.
- Ps 125, 4
Fais-donc du bien
hébreu : hétibah
Uniquement ici et en Ps 51, 20. Dans les deux cas il sagit de faire le bien des justes et de la même manière. Yhwh protège les justes : ici, en entourant son peuple en marche vers Sion ; au Ps 51, en bâtissant les murs de Jérusalem, cest-à-dire la protection de Sion.
- Ps 125, 5
artisans de la nullité
hébreu : poalé ha-awèn
Cette expression, que lon rencontre 24 fois dans la Bible, figure ici de manière unique avec larticle défini. Elle renvoie à la notion dartisans de nullité.
- Ps 126, 1
restaure la demeure de Sion
hébreu : shoub èt-shibat çiyon
Le verbe shoub (revenir, retourner) est ici employé de manière transitive (ramener, rétablir) et sapplique à lobjet « shibah de Sion ».
Les difficultés surgissent avec le mot shibah, car on ne retrouve ce mot quen 2 Sam 19, 33, où il a le sens de séjour ou demeure, venant de la racine yashab, demeurer. Au Psaume 126, quelques manuscrits ont corrigé le mot shibat en shebout (qui signifie captif ou captivité, de la racine shabah, emmener prisonnier), ce qui donne à cette incise le sens de « ramener des captifs ». Cette dernière expression se rencontre assez fréquemment, mais surtout chez les prophètes pendant et après lExil, où elle désigne les captifs dIsraël à Babylone. Il est vrai quon la trouve aussi ailleurs, en deux ou trois psaumes, mais il nest pas légitime pour autant de modifier lÉcriture pour faire apparaître cette expression au Psaume 126, et pire, de sen servir pour justifier lhypothèse selon laquelle les Psaumes des montées auraient été écrits pendant ou après lExil.
La lecture retenue ici permet de rappeler que la demeure de Sion, cette Jérusalem céleste déjà évoquée précédemment (Ps 122 et 125, 1) nest autre que ce jardin de délices dont un séraphin garde la porte de son glaive de feu (Gen 3, 24), et dont lhomme, captif de sa faute, demande à Dieu de libérer lentrée.
- Ps 126, 2
nations
hébreu : goyim
De la racine gawah, « former un corps consistant », le mot désigne en général tout groupe constitué, toute organisation civile, par opposition à une communauté religieuse.
Voir au Glossaire une analyse détaillée du mot nation.
- Ps 126, 4
libère notre captivité
hébreu : shoubah èt-shebouténou
La forme est voisine de celle du verset 1, avec le même verbe shoub (retourner, ramener) employé transitivement, ici à limpératif. Mais le complément nest plus le même : shebout et non shibah ; il sagit bien ici de ce qui est retenu captif.
Mais ce qui est retenu captif nest pas nécessairement un homme prisonnier. Ce verset a été très largement interprété comme visant les captifs de Jacob, cest-à-dire Israël en exil à Babylone. Une telle lecture est certainement très ancienne, en effet, et doit probablement dater de lExil lui-même. Elle nest pourtant que réduction à un signe matériel de la très belle inspiration à lorigine de ces chants, lesquels nous relatent, étape après étape, le vécu dun pèlerin sur son itinéraire spirituel, en vue de son arrachement à la captivité du péché.
Cest sans doute le parallélisme étroit de ce verset avec le verset 1 qui a conduit certains témoins à modifier le texte du verset 1 pour en donner une lecture compatible avec la lecture matérielle faite au verset 4. De plus, même dans ce verset 4 et sur beaucoup de manuscrits, le mot shebout a été corrigé pour y lire shebit, ce qui ninfléchit en rien le sens, mais donne à croire que le mot shibat du verset 1 nest quune écriture erronée de shebit au verset 4. Aurait-on cherché à justifier un peu plus la lecture matérielle ? On observe curieusement la même correction en Ps 85, 2.
- Ps 127, 1
De Salomon
Cas unique au centre de la série des quinze, ce huitième chant est le seul à se référer à Salomon. Un seul autre psaume est de Salomon , le Psaume 72, dernier du second livre du Psautier.
- Ps 127, 2
il accorde convenablement sommeil
hébreu : kén yiten ... shéna
Sous cette écriture (forme araméenne), le substantif shéna (sommeil, endormissement) est unique en Bible (hapax). Lécriture normale, shénah, se termine par la lettre hé, équivalente à notre h aspiré, et qui symbolise le souffle, la respiration. Elle est ici remplacée par la lettre aleph, entièrement muette, qui symbolise le silence, labstention.
La plupart des traducteurs lisent : il donne (autant ou le nécessaire) à son bien-aimé en sommeil. Cette lecture est discutable car elle transforme ladverbe kén (1.ainsi, 2.convenablement) en complément dobjet direct du verbe, avec le sens de la même chose ou ce qui convient. Or le mot kén peut être un adjectif ou un adverbe, jamais un nom. De plus, il ny a ni préfixe ni suffixe (en
, pendant son
) associé à shéna (sommeil) pour justifier un éventuel complément circonstanciel ; le mot nest pas non plus sous sa forme adjectivale yashèn (endormi). Aucune variante de manuscrit ninvite à de telles modifications de ce qui est écrit. On a donc retenu la lecture ci-dessus dont on pourra rapprocher la syntaxe et le vocabulaire de Pr 6, 4 : Naccorde pas sommeil à tes yeux
- Ps 127, 3
des fils
hébreu : banim
Issu de la racine banah (construire, bâtir) le mot fils désigne le résultat des efforts de lhomme pour se prolonger dans sa descendance, dans sa « maison », la maison représentant à la fois le bâtiment et ceux qui y vivent. On rapprochera ce demi-verset de son parallèle au verset 1, qui évoque les bâtisseurs de la maison.
- Ps 127, 3
fruit des entrailles
hébreu : peri batèn
Expression peu fréquente (11 fois en Bible), ici avec larticle défini : le cas est unique. Larticle défini renvoie aux autres emplois de lexpression dans la Torah.
Sous sa forme personnelle peri bitènkha, le fruit de tes entrailles, elle figure six fois au Deutéronome, quand Moïse, à plusieurs reprises, expose aux fils dIsraël que sils écoutent sa voix et observent sa Parole, Yhwh comblera toutes leurs entreprises : « Il taimera, il te bénira, il te multipliera, il bénira le fruit de tes entrailles, et le fruit de ton sol, ton blé, ton moût et ton huile, les portées de ton gros et de ton menu bétail, sur le sol quil a juré à tes pères de te donner. » (Deut 7, 13 ; voir aussi chap. 28 [4 occurrences] et Deut 30, 9). Nous trouverons une septième occurrence de cette expression en Ps 132, 11, au onzième chant des Montées.
Les entrailles ne désignent pas seulement le sein maternel, mais plus généralement le ventre, et au sens figuré lintérieur de lhomme, son « cur », ses « tripes ». Lexpression fruit des entrailles désigne la fécondité de lhomme, fécondité spirituelle dont le signe est la fécondité physique. Cette fécondité est donc ici présentée, à travers la référence implicite au Deutéronome, comme le résultat (la récompense, le salaire) de celui qui écoute la voix de Yhwh et observe sa Parole.
- Ps 127, 5
Bonheurs de
hébreu : asheré
Cest la traduction littérale. On peut aussi dire « Heureux
» ou encore « Sur la bonne voie
» (cf Ps 1, 1).