Psaumes des Montées — Notes (fin)


Ps 129, 1
dès mes premières années
hébreu : minne’ouri

Littéralement “ dès ma jeunesse ”, mais il s’agit ici des débuts du pèlerin dans la vie spirituelle : il est peut-être en butte à ses amis d’autrefois qui détestent la paix de Jérusalem (cf Ps 120, 6 et ici, verset 5b), ou simplement à des censeurs trop zélés. On pourrait traduire « dès mon juvénat », ce mot de même racine désignant précisément les premières années dans la formation spirituelle ; mais le juvénat a un caractère institutionnel qui n’apparaît nulle part dans le texte hébreu de cette suite de psaumes : il conduirait à des lectures erronées.


Ps 129, 3
Sur mon dos, des censeurs labouraient

Généralement traduit : Sur mon dos des laboureurs ont labouré. Mais le verbe harash traduit moins souvent l’action de labourer (ouvrir des brèches dans le sol pour y enfouir des semences) que celle de saper, miner, fouiller, voire chercher des ennuis, de manière souterraine, invisible et sourde (le verbe a aussi parfois ce sens), c’est-à-dire ouvrir des brèches en terre d’autrui pour y dominer. C’est bien ce sens premier qui convient ici, dans cette métaphore du labour.
Par ailleurs, le mot gab ne désigne pas le dos en tant que partie du corps, mais plus généralement une partie plus dure, un bossage saillant, une convexité, un bourrelet, une avancée solide protégeant des parties plus fragiles. C’est parfois le dos, mais c’est aussi l’arcade sourcilière, le bouclier, la voûte, la jante d’une roue, et par analogie avec la voûte du bouclier, une simple protection contre les agressions, une défense (retranchement, rempart), une cuirasse. C’est à cet obstacle que les adversaires s’attaquent, car c’est ce qui se voit d’emblée, et derrière quoi l’on s’abrite (comme dans notre expression “ faire le gros dos ”).


Ps 129, 3
ils prolongeaient leurs humiliations

Plutôt que : ils ont prolongé leurs sillons. Le mot hébreu est ma’anout ; il vient de la racine ‘anah « être affligé », qui a donné ‘anout « humilité » (cf Ps 22, 25) et ma’anout « humiliation ».
Sur beaucoup de manuscrits (mais pas tous) on trouve une correction de lecture (Qéré) en ma’anit, peut-être pour se rapprocher de 1 Sam 14, 14 où le mot voisin ma’enah est traditionnellement traduit par « sillon ». Mais pour l’un comme pour l’autre de ces deux mots, tous deux uniques (hapax), lire « sillon » suppose, à partir du contexte, un effort d’imagination sans rapport avec l’étymologie (même incertaine) du mot, et que beaucoup de témoins se sont refusés à faire. Les LXX ont préféré lire ici « leurs iniquités », puisque dans les « laboureurs » ils avaient vu des « pécheurs ».
Sur l’ensemble du verset 3, on lira quelques compléments dans les Commentaires.


Ps 129, 8
ceux qui vont au-delà
hébreu : ha-’oberim

— Littéralement “ les passants ”, de la racine a’bar traverser, passer (au-delà), qui a donné le mot i’bri (hébreu). Ces « passants » n’ont rien à voir avec le sens pris par ce mot en français (un quidam qui ne fait qu’entrer et sortir de votre champ visuel); on est ici plus proche du « passeur » que du « passant ».
Ce sont des « passeurs » qui disent (même verset) :
— “ Nous vous bénissons ”. Hébreu : bérakhnou ètkhem (hapax). Même formule en Ps 118, 26 mais sous forme abrégée, également unique (hapax) : “ Nous vous bénissons depuis la maison de Yhwh ”. On comprend ainsi pourquoi “ ceux qui vont au-delà ” ne sont pas n’importe quels passants, mais ceux qui, ayant franchi les épreuves évoquées au Psaume 129, sont entrés dans la Jérusalem céleste, sont « passés » dans la maison de Yhwh (cf Ps 122, 1 & 9).


Ps 130 versets 2, 3 et 6
Seigneur
hébreu : adonaï

Le Psaume 130 est le seul des quinze Psaumes des montées où l’on trouve le mot Adonaï, Seigneur, pour parler de, ou à Dieu. Il tient la place du tétragramme, présent partout ailleurs, y compris quatre fois dans ce même psaume.

On trouvera au Glossaire une note détaillée sur le mot adonaï.


Ps 130, 4
en toi est le pardon
hébreu : ymmkha ha-sselihah

Littéralement : avec-toi le pardon, mais le mot hébreu y’m, avec, vient de la racine a’mam, être caché, indistinct, (arabe : être en commun), ce qui veut dire, ici, que le pardon fait partie de Yhwh comme les gouttes d’eau font partie de la mer : elles sont avec elle, cachées en elle. Le pardon est constitutif de Yhwh.


Ps 130, 4
révéré

Ou encore « craint », mais craindre est ici pris dans le sens de respecter, et non avoir peur.


Ps 130, 5
parole
hébreu : dabar

Parole ou acte, donc manifestation divine, événement venant de Yhwh.


Ps 130, 7
en YHWH est la bonté

Le mot en, hébreu y’m, avec, est le même que pour le verset 4. La bonté est constitutive de Yhwh, comme le pardon : elle est l’un des attributs divins que Yhwh a révélé à Moïse (Ex 34, 6-7).


Ps 130, 7
faire croître par lui

Par : à nouveau hébreu y’m. Littéralement : faire croître « avec lui », « en lui ».


Ps 131, 2
Si je ne me suis pas abaissé !
hébreu : im-lo shiwiti

Par cette exclamation, David estime avoir eu une attitude assez humble pour prétendre à l’intimité divine.

Sur le sens de shiwiti, on consultera l’étude “ Comme le Lion ”.


Ps 131, 2
un enfant comblé
hébreu : gamoul

Deux sens possibles : récompensé, ou sevré, car cette récompense est celle du sevrage, c’est-à-dire de l’accès aux nourritures supérieures. Ce qui conduit à deux lectures possibles de la comparaison : 1) béatitude de l’enfant gavé après la tétée au sein de sa mère ; 2) frustration de l’enfant sevré qui n’a plus accès au sein de sa mère. Correspondent deux lectures du verset : 1) après avoir revendiqué ce qu’il tient pour son « humilité », David réalise sa prétention, se met au silence, et rend grâce pour ce qu’il a reçu ; 2) loin de réaliser sa prétention, il se plaint en outre du silence de Dieu : il se sent frustré de présence divine, comme un enfant sevré du sein de sa mère, et son âme (son être) lui pèse.


Ps 131, 3
Mets ton attente en YHWH, Israël

Expression identiquement reprise du psaume précédent, en Ps 130, 7. On ne la trouve nulle part ailleurs.


Ps 131, 3
dès maintenant, et jusqu’au temps secret

Troisième et dernière occurrence de cette expression dans les Psaumes des Montées (Ps 121, 8 & Ps 125, 2). Cette même expression figure déjà deux fois au dernier livre du Psautier (Ps 113, 2 & Ps 115, 18) et trois fois ailleurs, chez les Prophètes (Is 9, 6 & 59, 21 ; Mic 4, 7), soit en tout huit fois dans la Bible.


Ps 132, 6
pressentie en Ephrata … aux Champs-de-la-Forêt

— “ pressentie ” : entendue, comprise, nous avons réalisé qu’elle était…
— “ Ephrata ” : « double-fruit, fécondité ». Ici : Ephratah, « vers une fécondité ».
— “ aux Champs de la Forêt ” : littéralement en des champs de buisson / fourré / bois / forêt ». On peut comprendre :
Voyez, nous l’avons pressentie en un «sens de fécondité», nous l’avons atteinte dans un terrain inextricable.


Ps 132, 13
Sion

Hébreu çion, de çiah, dessécher. Sion signifie terre brûlée, desséchée, grillée, désolée.


Ps 132, 17
corne, lampe

— “ la corne ”. Hébreu : qéren. Symbole de  force et de puissance spirituelle (cf Ps 22, 22 : la force spirituelle de la licorne)
— “ la lampe ”. De là vient la lumière de Yhwh qui éclaire David.


Ps 133, 2
onction

Le mot qu’on trouve ici est en fait le mot huile (hébreu shemen), qui entretient des rapports étroits avec le mot onction (voir au Lexique “ oindre ”).