Dans le verset Isaïe 56, 5 (ainsi quen dautres passages de la Bible), la main est prise comme symbole de force, de puissance, de commandement, comme signe de pouvoir, dautorité sur un domaine (la main de la justice). Cette « main » est parfois représentée sur le sceptre qui symbolise le pouvoir (le sceptre royal).
Lexpression yad vashem est unique en Bible. Les principales lectures rencontrées sont les suivantes :
- Septante : un lieu (topon) et le nom (onomaston)
- Vulgate : un réservoir (lacum) et un nom (nomen)
- King James : un lieu (a place) et un nom (a name)
- Ch. Crampon (1905) : un monument et un nom
- L. Segond (1910) : une place et un nom
- Bible Jérusalem (éd. 1975) : un monument et un nom
- A. Chouraqui (1974-1979) : la main et le nom
La Septante, la King James et L. Segond ont respecté lesprit de cette main, avec les mots lieu ou place qui évoquent un domaine sur lequel la main exerce son autorité, tandis que la Vulgate sen écarte un peu (creux de la main ?). Mais le choix (apparemment) moderne du terme monument relève du contresens. Ce choix trouve probablement son origine dans le rapprochement du verset dIsaïe avec les circonstances de la mort dAbsalom :
De son vivant, Absalom sétait fait ériger un monument dans la vallée du roi car, avait-il dit, je nai pas de fils pour transmettre le souvenir de mon nom. Et il nomma le monument, quil appela main dAbsalom , nom qui lui est resté à ce jour.
(2 Sam 18, 18)
Absalom était dans la situation des eunuques dont parle Isaïe. Il navait pas de descendants pour honorer sa mémoire, pas de fils à qui transmettre lhéritage quon attache en général à son nom : un domaine, un titre, une charge, un pouvoir. Pour Absalom, ce pouvoir était le sceptre (main) de la royauté en Israël, quil ambitionnait darracher à David son père. Sa tentative ayant échoué, le monument quil avait fait construire devenait le seul héritage quil laissait à la postérité : une « main » vide, désormais dénuée de sens. Cest pourquoi la Bible ne nous signale lexistence de ce monument quaprès avoir décrit la mort dAbsalom (verset précédent) : on avait jeté le corps dAbsalom dans une grande fosse, dans la nature, et on lavait recouvert dun énorme tas de pierres (2 Sam 18, 17). La « main dAbsalom » avait signé la condamnation du fils révolté qui portait la main contre le roi messie, son père.
Pour la plupart, les témoins précédemment cités ont conservé à ce verset du livre de Samuel la lecture littérale du nom « main dAbsalom » (Septante, Vulgate, Crampon, Chouraqui). Mais on trouve déjà le mot « lieu » (place) dans la King James, et surtout monument chez L. Segond et dans la Bible de Jérusalem. Il semble que, faute davoir compris les raisons pour lesquelles Absalom avait donné le nom de « main » à son monument, certains lecteurs modernes aient préféré remplacer ce nom par la qualité de lobjet nommé (un monument) ouvrant ainsi la porte au contresens qui fleurit désormais en Isaïe où il nest pas du tout question de monument.
En 1953, les fondateurs du mémorial Yad vashem, à Jérusalem, se sont probablement appuyés sur ce contresens, qui avait été consommé largement avant eux ; ils ont pu être influencés en cela par lÉcole biblique de Jérusalem dont les éditions plus récentes traduisent encore main par « monument ». Le site internet du mémorial se réfère explicitement au verset 5 du texte dIsaïe, mais de manière tronquée. Il ne cite pas le verset 4 qui attribue la donation divine aux eunuques et non aux fils dIsraël ; il omet les mots mieux que des fils et des filles, un nom déternité, qui font de la donation divine un héritage spirituel et non un mémorial ; et il traduit le mot yad de lexpression yad vashem par « mémorial » au lieu de « main » :
And to them will I give in my house and within my walls a memorial and a name (a "yad vashem")... that shall not be cut off.
(Isaiah, chapter 56, verse 5)
(http://www1.yadvashem.org/about_yad/index_about_yad.html)
Remarque grammaticale
La vocalisation de lexpression Yad vashem peut donner limpression que seul le second mot porte larticle défini, le premier étant indéfini : « une main et le nom » (lecture des Septante ?). Il nen est rien, car la vocalisation forte du waw ne marque pas la trace dun article disparu (cas général) ; elle est employée ici devant un monosyllabe à ton fort. Cet usage est fréquent lorsque deux mots analogues sont étroitement associés (par exemple yom va-layelah, « jour et nuit », ou « le jour et la nuit ») à la fin dune incise, ce qui est le cas ici.