être humain, hominidé
Hébreu : adam

Le verbe adam signifie rougeoyer, briller, rutiler, étinceler ; il décrit les prémices de la lumière, dont le rouge est la première fréquence visible.

Le verbe adam a plusieurs dérivés, notamment le sang, dam, siège de la vie pour les Hébreux, et la terre rouge argileuse adamah, espèce minérale pure et vierge d’humus, roche tendre et docile à la main du potier (cf. Adam le Rougeâtre). C’est avec l’argile adamah que Dieu a façonné les animaux à sang chaud (Gn 2, 7 et 2, 19) et notamment l’être humain, le adam.

La filiation qui fait passer de la substance minérale adamah à l’organisme biologique du vivant adam, dont la parenté se lit dans leur même rougeoiement vers la lumière, cette filiation se voit confirmée par l’analyse étymologique. En effet, l’argile adamah peut s’écrire adam-ah, c’est-à-dire le mot adam suivi du suffixe indiquant la direction, ce qui fait apparaître l’argile rouge comme la substance orientée vers-adam, vers l’homme. De plus, le mot adamah étant un nom féminin, la grammaire contribue, elle aussi, à faire de cette substance matricielle la terre mère du vivant.

Le mouvement qui fait passer du règne minéral au règne animal, par sélection du plus pur et du plus orienté vers la lumière, peut donc être regardé comme le sens même de l’évolution. Ce mouvement se poursuit avec l’homme, dont le premier individu sélectionné en vue du développement de l’espèce, porte ce nom-vocation, Adam, avec lequel il entraîne vers le jour divin toute la création, minérale, organique et vivante, où plongent ses racines. Héritiers de sa vocation, hommes d’aujourd’hui marqués de son empreinte génétique, nous sommes les fils d’Adam, appelés à devenir cet Homme, ysh, que nous ne connaissons pas encore.





homme
Hébreu : ysh

« Je cherche un homme » disait Diogène de Sinope, tenant en plein jour sa lanterne allumée. C’est dans un même esprit qu’il convient de se représenter ce que la Bible appelle ysh : un être humain parfait, achèvement de cet adam que Dieu a créé mâle et femelle, un homme d’une humanité si accomplie que personne encore n’en a jamais rencontré.

Car l’homme ysh, c’est le terme du projet divin encore inachevé. Appelés à devenir ysh, nous ne portons ce nom d’homme que par anticipation, ou par abus de langage. La Bible désigne beaucoup plus souvent les hommes par d’autres noms : géber (gebar ou gibor) s’il s’agit d’un homme fort, vaillant, puissant, d’un héros ; et lorsqu’il s’agit de groupes anonymes, les hommes sont appelés adam (êtres humains), ou plus fréquemment anashim (mortels), mais jamais yshim (hommes), ce pluriel n’étant employé que par exception, trois fois dans toute la Bible (Ps 141, 4 ; Pr 8, 4 ; Is 53, 3), à seule fin, semble-t-il, de nous rappeler que le pluriel de ysh est bien yshim et non pas anashim comme on le croit trop souvent. Nous serons amenés à faire la même observation pour le mot ishah, femme.

Il faut attendre la septième occurrence du mot ysh dans la Genèse, pour que l’Écriture cite un premier exemple nous préparant à comprendre la nature profonde de l’homme ysh :

Noé, homme juste, vivait intègre au milieu de sa génération ; Noé marchait avec les élohim.
(Gn 6, 9)
Dans ce verset, c’est le juste qui est d’abord défini, comme celui qui se conforme à (il marche avec) la parole de la divinité révélée (les élohim) sans se laisser corrompre par le monde dans lequel il vit. Héritier de l’argile adamah, il est comme elle, pur et orienté vers la lumière de Dieu. Noé est un juste, que l’Écriture appelle “ homme ” (ysh) par opposition aux autres humains de sa génération qu’elle appelle des adam, et que Yhwh va exterminer dans le déluge en raison de leur conduite mauvaise. Cette opposition confirme que la différence entre ysh et adam n’est pas d’ordre biologique mais bien d’ordre spirituel. Sur la voie de l’humanisation, Noé, le premier s’est avancé ; il est l’exemple à suivre.

Par la suite, après l’exemple de Noé homme juste, l’Écriture indique la direction de l’Homme en mettant certains comportements en lumière, comme celui de Lot repoussant les assauts des Sodomites (cet homme, Gn 19, 9), celui d’Abraham, cet homme désigné par Dieu à l’attention de Abimélekh (Gn 20, 7). Quand le mot homme se rencontre ainsi avec l’article défini, ce n’est pas pour signifier le concept, « l’Homme », mais pour désigner tel ou tel exemple qui s’en rapproche.

Comme particularité de la langue hébraïque, il est intéressant de noter que le mot ysh est un nom isolé, qui n’a ni racine ni dérivés ; seuls coexistent avec lui les trois exemplaires de son pluriel et quelques noms propres. Pour les Hébreux, bien avant Diogène, ysh restait donc ce terme d’humanité encore inapproché, auquel ne se rattache rien de ce que connaissent les hommes, parce que Dieu seul en connaît la nature et seul peut y conduire Adam, son bien-aimé.





mortel
Hébreu : énosh

Énosh, c’est d’abord un nom propre, un nom d’homme sept fois cité dans la Bible, sept fois pour des raisons de généalogie. Énosh est le nom du fils aîné de Set, troisième fils d’Adam que Dieu accorde à Ève après le meurtre d’Abel par Caïn (Gn 4, 25). Énosh est le patriarche ancêtre de Noé dont tous les hommes, selon la Bible, sont les descendants. Ce nom lui fut donné par son père, Set, qui pour la première fois de l’histoire (Gn 4, 26) invoquait alors le pouvoir reçu de Dieu par Adam (Gn 2, 19) avant sa désobéissance (chapitre 3), pouvoir de donner au vivant, en le nommant, sa vocation.

Le nom commun énosh est issu de la racine anash, verbe de forme passive peu employé (neuf occurrences) qui signifie être faible, malade, atteint d’un mal incurable, ce qui donne au mot énosh le sens de « mortel ». C’est ce mot qui sert le plus souvent à désigner les hommes. Tous héritiers du patriarche Énosh, le mortel, nous portons comme lui l’empreinte génétique de notre ancêtre Adam, appelés avec lui au même rougeoiement vers la lumière, mais aussi, marqués par sa désobéissance à la parole divine, entraînés avec lui dans la mort. Plus tard, c’est David qui méprisera la Parole, lui aussi, en faisant tuer Hurie pour prendre sa femme Bethsabée comme épouse (cf. péché de David). On sait comment le premier fruit de leur amour fut enlevé à David, l’enfant ayant été frappé d’une maladie mortelle (première des 9 occurrences du verbe anash, en 2 Sam 12, 15). Le mépris de la parole divine, aujourd’hui comme aux origines, est cause de la descente humaine vers la mort.

On compte environ 600 occurrences du mot énosh pour désigner les hommes, contre environ 550 pour le mot adam, et trois exceptions seulement pour le pluriel yshim du mot « homme » ysh. Cette distribution montre assez comment l’Écriture entend souligner à quel point les hommes vivent loin du terme de leur humanité. Ils sont créés à l’état d’adam, appelés à devenir ysh, mais le refus d’entendre la Parole, qui les sépare de Dieu, leur laisse un mal incurable : ils ne sont plus que des mortels, énosh, ou des adam, certes en marche vers la lumière, mais auxquels ce refus, qui corrompt leur nature, barre le chemin d’accès à la vie éternelle.





femme
Hébreu : ishah ou éshet

L’origine étymologique du mot ishah est inconnue.

Certains grammairiens rattachent ishah à la racine anash du mot énosh, « mortel » ; leur classement s’appuie sur le « pluriel courant » du mot, nashim, qui se rattache bien à cette racine ; mais le genre masculin de ce pluriel les a contraints à qualifier ishah de « féminin irrégulier », (un comble !) alors que ishah a la structure d’un féminin régulier, et qu’il est traité comme tel dans les textes. Cette thèse est d’autant plus difficile à soutenir qu’il existe un exemplaire régulier du féminin pluriel ishot de ishah, en Ez 23, 44 (hapax). On est donc conduit à faire pour ishah la même observation que pour ysh : l’existence d’un pluriel régulier du mot, quoique rare, interdit de considérer les pluriels issus de énosh comme une irrégularité grammaticale, mais impose d’y voir une modification du sens. Qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, les deux pluriels anashim et nashim désignent toujours des mortels.

D’autres grammairiens font du mot ishah le féminin (régulier) de ysh. Cette confusion est très regrettable, car le mot ysh, « homme », comporte la lettre yod, absente de ishah ; comment les deux mots pourraient-ils provenir d’une même racine, qu’on est d’ailleurs bien incapable de produire ? D’autre part, dans toutes les langues, la femelle ne porte le nom féminisé du mâle que si l’espèce est mal connue, et les différences ignorées sauf en ce qui concerne la reproduction (le cheval, souss et soussah, pour l’hébreu qui ne connaît pas l’étalon ou la jument du français ; le lion pour les Français, qui ignorent tout du « déchirant » et de la « rugissante » des Hébreux) ; s’agissant de l’espèce humaine, il est évidemment absurde de prétendre à une telle ignorance. Seules les sonorités entendues donnent l’illusion que ishah puisse être le féminin de ysh.

La confusion est venue de ce que la Bible dit que “ ishah a été tirée de ysh ” (Gn 2, 23). Mais la Bible ne doit pas être lue comme un cours de grammaire ; elle joue fréquemment sur les mots, et nous invite à voir ici une parenté spirituelle entre ysh et ishah, mais certainement pas leur parenté étymologique.

Il semble donc que le mot ishah soit aussi inclassable que le mot ysh, et comme lui sans racine ni dérivés. La notion de femme et la notion d’homme, l’une comme l’autre se rattachent à ce terme d’humanité que nous ne connaissons pas encore, et qui n’appartient qu’à Dieu.

Nota bene : Un essai d’interprétation du lien spirituel entre ysh et ishah est brièvement abordé dans l’étude Homme et Femme, mâle et femelle, dans les commentaires du texte biblique Gen 2, 18-25.


HebraScriptur 6.4