Job chapitres 1 et 2 Notes
- verset 1, 1
Un homme vivait
Littéralement : Un homme était , mais alors quen français le verbe « être », devenu simple auxiliaire, a perdu son sens initial, en hébreu biblique ce sens est toujours très fort : « exister, vivre ». Et ce verbe est répété dans la seconde partie du verset.
- verset 1, 1
le pays de Owç
Le mot peut provenir de la racine ouç : « consulter, prendre conseil ». La plupart des auteurs situent ce pays au sud-est de la mer Morte, dans la région dÉdom, aux confins de lArabie ; mais il sagit sans doute dun nom symbolique - le pays du « Conseil » -, nom donné à cette région probablement parce que cest delle quest venue lhistoire de Job. Pour beaucoup, le livre de Job a pour origine un conte philosophique arabe.
- verset 1, 1
le nom de Job
Job nest pas un personnage historique. Nulle part dans la Bible on ne dit de qui Job est le fils, et un tel mutisme est exceptionnel : Job est probablement un personnage imaginaire, peut-être un étranger ayant vraiment existé, mais certainement pas un fils dIsraël. Ceci nenlève rien à la valeur spirituelle de son exemple : il est cité par le prophète Ézéchiel (seule référence hors du livre de Job) aux côtés de Noé et de Daniel, comme exemple dhommes justes.
La racine du mot « job » est ayab, « haïr », ce qui peut lui donner le sens de « persécuté, haï ».
- verset 1, 1
craignant Élohim
(voir le mot Élohim au Glossaire)
Lexpression se rencontre trois fois au livre de Job (1, 1, 1, 8 et 2, 3) et deux fois ailleurs (Gn 22, 12 et Ecc 7, 18).
Lexpression parallèle « craignant YHWH » se rencontre elle aussi cinq fois dans la Bible : trois fois au livre des Psaumes, en Is 50, 10 et en Pr 14, 2, cest-à-dire dans des écrits de fils dIsraël : les Psaumes de David, roi dIsraël ; Isaïe, prophète de Juda ; les Proverbes de Salomon, fils de David. Le « craignant YHWH » est bien fils dIsraël.
À lopposé, le « craignant Élohim » nest pas fils dIsraël : Abraham (Gn 22, 12), adorait El Shaddaï et non YHWH; Qohéleth (Ecc 7, 18), est une uvre post-exilique de sagesse orientale dans laquelle le tétragramme ne figure pas une seule fois.
Il semble bien établi que Job nest pas fils dIsraël.
- verset 1, 1
mais il sécartait du mauvais
Dans cette incise il y a ambiguïté sur deux termes :
le mot « mauvais », hébreu raa, qui désigne aussi bien la « mauvaise action » (le mal dont on est coupable) que le « malheur » (le mal dont on est victime). Ce mot apparaît six fois dans ces deux chapitres : les trois premières dans la même incise quici avec le même sens ambigu ; les trois suivantes (2, 7 ; 2, 10 et 2, 11) dans le sens de « malheur » ;
le mot « mais ». Cest la particule waw en hébreu, conjonction de coordination ayant le plus souvent un sens conjonctif ou consécutif, comme notre « et » français, mais qui, conformément à la syntaxe de la phrase, doit ici être compris comme adversatif. Le narrateur ne nous dit pas que Job sabstenait de toute mauvaise action (même si cest vrai) : il nous dit que Job fuyait le malheur.
On comparera la fin de ce verset 1 aux versets 1, 8 et 2, 3 où figure cette même incise dans une syntaxe différente.
- verset 1, 3
les fils dOrient
hébreu : bené-qèdèm
Lexpression se rencontre 11 fois en Bible. Première en Gn 29, 1 : Jacob leva ses pieds et alla vers le pays des fils dOrient, verset qui suit immédiatement le rêve de Jacob et son vu.
Notons dabord que qèdèm (orient) vient de qadam, « devancer, précéder, anticiper » ; les fils dOrient sont donc les fils de lanticipation, qui se lèvent tôt, au sens où lavenir appartient à ceux qui se lèvent tôt (ce que fait Job au verset 5). Or lexpression « lever ses pieds » (avec le verbe nasa) est unique en Bible. Étant donné lendroit où elle se trouve, cette expression a un sens mystique : ce verset de la Genèse nous dit que la montée spirituelle de Jacob commence en cet instant, parce quil soriente comme ceux qui cherchent Dieu activement, sans sattarder. Pourquoi ? en raison de ce quil vient de faire (son vu) après lappel divin quil a reçu (son rêve). Jacob a suivi lappel de Dieu.
Ainsi donc, parmi tous ceux qui cherchent Dieu activement, Job est décrit comme le plus grand. On pourra comparer cette référence à celle du roi Salomon : La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils dOrient et toute la sagesse des Égyptiens. (1 R 4,30).
- verset 1, 5
Peut-être ont-ils béni Élohim en leur cur
Toutes les traditions voient dans cette incise un euphémisme : peut-être ont-ils « maudit » ... en leur cur. Une telle lecture nest pas nécessaire. Il est même préférable de lire ce qui est écrit en conservant au mot son sens premier. Job apparaît alors comme ignorant ce que ses fils ont pu faire, ne sachant pas si cétait bien ou mal. Cette lecture exprime sur Job un sentiment plus juste que la seule suspicion pour ses fils suggérée par la lecture traditionnelle.
- verset 1, 6
les fils des élohim ou « les fils des dieux »
Hébreu : bené-élohim
Lexpression fils des élohim ne se trouve que quatre fois en Bible : Gn 6, 2 & 6, 4; Job 1, 6 & 2, 1. On trouve aussi (une seule fois, cest un hapax) les fils dÉlohim (Job 38, 7) dans le discours que Dieu adresse à Job :
... où étais-tu quand jai fondé la terre ?... quand les étoiles du matin jubilaient ensemble, aux ovations de tous les fils dÉlohim ?
Les deux expressions ne doivent pas être confondues.
Les fils dÉlohim , comme lindique le contexte de cet hapax, ce sont les justes, montés auprès de Dieu, tels le patriarche Hénoch (voir le mot Élohim ). Les fils des élohim sont ceux qui se préparent à entrer dans la vie divine par filiation spirituelle, en adhérant à la révélation, en suivant les dieux révélés.
- verset 1, 6
se présenter
La formule initiale du verset, « Et arriva le jour », évoque le jour du Jugement dernier, où les hommes se présentent devant Dieu, cest-à-dire comparaissent. Mais on sattend alors à voir figurer le mot Élohim pour le Dieu qui juge. Au contraire, cest le tétragramme YHWH que lon trouve ici. Or Yhwh est le Dieu de la Miséricorde et non le Dieu du Jugement. Ceci peut nous donner à penser que lépreuve à suivre nest pas un jugement définitif, pour condamner un coupable, mais un jugement pédagogique, pour corriger une faute : une sorte de condamnation avec sursis.
- verset 1, 6
le Satan
hébreu : ha-satan
Le verbe hébreu satan, (sopposer, se mettre en travers), se rencontre six fois dans la Bible : 5 fois au livre des Psaumes et une fois en Zac 3, 1. Le nom satan (lopposant, ladversaire), qui dérive de ce verbe, est plus fréquent : 27 fois dans la Bible dont 14 fois au seul livre de Job, toutes dans les chapitres 1 et 2 du livre.
On observe que sur les 27 occurrences du nom satan, 17 comportent larticle défini, le satan : ce sont les 14 occurrences du livre de Job et les 3 occurrences du livre de Zacharie. Dans ces deux livres, il sagit donc dun nom commun (ladversité, lentrave, lopposition) et pas dun nom propre. En toute rigueur, le traducteur devrait donc retirer la majuscule du nom, pour écrire « satan » et non « Satan ». Toutefois, tenant compte de la présence toujours visible de cet article défini devant le nom, ce qui réduit le risque de personnifier cette force adverse, on a préféré maintenir la majuscule conformément aux usages de lorthographe française.
- verset 1, 8
intègre et droit, craignant Élohim et sécartant du mauvais
On reconnaît lincise de la fin du verset 1. Cependant la syntaxe est ici différente, car il manque une lettre importante : il ny a pas de waw avant lexpression craignant Élohim , laquelle se trouve ainsi séparée de ce qui précède par une césure. Lexpression sécartant du mauvais prend de ce fait la même connotation positive que craignant Élohim , car le waw qui les relie nest plus adversatif comme au verset 1 mais conjonctif, au même titre que celui qui relie intègre et droit , symétriquement, de lautre côté de la césure.
On retrouvera cette même incise au verset 3 du chapitre 2, avec ce même sens favorable à Job. Dans les deux cas, cest Yhwh qui sadresse au Satan, alors quau premier verset du livre, cest le narrateur qui sadresse à nous.
- verset 1, 12
le Satan sortit des faces de Yhwh
hébreu : wayyéçé hasatan méym pené YHWH
Mot à mot : le satan sortit de-avec les faces de Yhwh . Le petit mot ym, que nous traduisons par « -avec », a pour racine amam qui signifie être caché, ou obscur ; quon ne peut pas distinguer, qui fait partie de ... , comme une goutte deau dans la mer. Cest cette racine qui a donné le mot am, « peuple », que lon peut considérer comme ceux qui vivent ensemble, chacun étant obscur, chacun avec le peuple mais caché, indistinct au sein du peuple.
Cest ainsi quil convient de lire cette séparation du Satan « de-avec les faces de Yhwh » : auparavant, on ne le distinguait pas dans le visage du Dieu révélé ; maintenant, il en est devenu distinct. Le Satan vient dêtre créé.
- verset 1, 15
Sheba
Certains personnages bibliques portent ce nom ( le fils de Jokthan, descendant de Seth ; le fils de Raema, descendant de Koush), mais il sagit plus certainement du nom dune nation au Sud de lArabie (cf. Salomon et la reine de Shéba, 1er livre des Rois, ch.10). Ce mot étranger, de racine inconnue, désigne sans doute ici un groupe dhommes originaires de ce pays.
- verset 1, 16
Un feu dÉlohim
Seule autre référence (2Rois 1, 12) : Le feu dÉlohim descendit du ciel et le dévora, lui et ses cinquante hommes. Les victimes étaient les émissaires du roi Akhazias. Celui-ci avait consulté Baal-Zeboub et voulait repousser les oracles de YHWH, que lui faisait connaître le prophète Élie.
- verset 1, 17
Les Kasdim
Kasdim, Chaldéens, descendants de Nahor. Cest le pays dorigine dAbraham (Gn 11, 28).
- verset 1, 19
un vent puissant
hébreu : rouach ghedolah
Lexpression figure trois fois dans la Bible ; la première lorsque le prophète Élie va rencontrer Yhwh dans la voix du silence ténu (1R 19, 11) ; la troisième lorsque Jonas a voulu senfuir sur la mer loin de la face de Yhwh (Jon 1, 4). Ce grand vent est une manifestation divine.
- verset 1, 20
Job se leva, déchira son manteau, se rasa la tête, tomba à terre, se prosterna
Lattitude de Job rejoint celle dEsdras, humilié et honteux, apprenant les abominations commises par Israël :
Lorsque jentendis cela, je déchirai mes vêtements et mon manteau, je marrachai les cheveux de la tête et les poils de la barbe, et je massis accablé. Auprès de moi sassemblèrent tous ceux que faisaient trembler les paroles du Dieu dIsraël, à cause du péché des fils de la captivité ; et moi, je restai assis et accablé jusquà loffrande du soir. Puis, au moment de loffrande du soir, je me levai du sein de mon humiliation, avec mes vêtements et mon manteau déchirés, je tombai à genoux, jétendis les mains vers Yhwh, mon Dieu.
(Esd 9,3-5)
- verset 2, 1
au milieu deux
hébreu : betokham
Ce mot, tel quil figure ici avec son écriture défective (il manque le waw au milieu du mot), est un hapax. Avec son écriture complète betowkham le mot est présent quarante fois dans la Bible ; il figure en particulier au verset 6 du chapitre 1 ci-dessus, dans la même incise concernant le Satan.
La première de ces quarante occurrences est au livre de lExode :
Quand ils auront fait pour moi un sanctuaire, je demeurerai au milieu deux.
(Ex 25,8)
Parole de Yhwh sadressant à Moïse pour promettre sa présence au milieu de son peuple en Exode, quarante ans à travers le désert.
- verset 2, 3
intègre et droit, craignant Élohim et sécartant du mauvais
voir la note du verset 1,8
- verset 2, 7
le Satan se retira de devant les faces de YHWH
hébreu : wayyéçé hasatan méét pené YHWH
On comparera ce verset au verset 12 du chapitre 1. La phrase est la même, mais la préposition méym a été remplacée par méét. Le sens est toujours « de-avec », mais la particule ét, « avec », décrit la proximité de deux entités bien distinctes, que lon ne saurait confondre contrairement à la particule ym qui nie cette distinction.
- verset 2, 9
Bénis Élohim, et meurs!
Le verbe « bénir » a déjà été rencontré (ch. 1 v. 21). Ici encore, il semble préférable de lire ce qui est écrit et non le verbe « maudire ». Job a déjà béni Yhwh (en 1,21) ; il va maintenant bénir Élohim .
En dépit des apparences contraires, la femme de Job (qui nest pas nommée) est ici à sa place dans sa fonction daide, comme Ève fut placée à côté dAdam pour lui être un aide (cf. Homme et Femme, mâle et femelle ).
- verset 2, 11
malheur
Cest le même mot hébreu raa, que nous avons partout traduit par « mauvais » ce qui ne convient pas ici.