Lhuile est un élément fondamental de la symbolique hébraïque, en raison de son importance dans la vie quotidienne. Cest dabord une nourriture comme encore de nos jours, en Occident aussi bien quen Orient. Mais pour lancien Orient, lhuile nest pas seulement nourriture : elle est aussi largement employée pour éclairer, pour fortifier, pour soigner, pour parfumer. Aussi lhuile est-elle considérée par les Hébreux comme un symbole de grande prospérité, une prospérité attestée par la possession de nombreux oliviers.
Le mot huile est assez fréquent dans la Bible (193 occurrences) ; il est toujours signe de bénédiction.
Tout dabord comme moyen pour lhomme de signifier à Dieu sa reconnaissance. En Genèse 28, 18 (première occurrence du mot), Jacob, après sa vision de léchelle par où les anges montent et descendent entre terre et ciel, verse de lhuile sur la pierre où reposait sa tête pendant cette vision. Cest un sacrifice daction de grâce, car lhomme, par ce geste, consacre un bien de grande valeur économique à la louange divine. Plus tard, ce geste sera considéré par beaucoup comme un gaspillage, mais pour Dieu, cest un mouvement du cur de grande justesse. Pour cette raison, ce même geste verser lhuile va devenir le signe fondamental par lequel Dieu accorde sa grâce à certains hommes quil choisit pour une mission particulière. Cest le verbe oindre . Ce verbe napparaît quune seule fois dans la Genèse (Gn 31, 13) comme une réponse divine au geste de Jacob : Je suis le Dieu de Béthel, où tu as oint une stèle de pierre , parole de reconnaissance qui renvoie au songe de celui qui va devenir Israël et à son geste daction de grâce. Troisième évocation de cet événement en Gn 35, 14, lorsque Jacob, après avoir bâti une stèle en mémoire de ce qui sest passé, à nouveau inonde dhuile ce monument ; cest la seconde et dernière occurrence du mot huile au livre de la Genèse.
Par la suite, lonction dhuile deviendra le signe par lequel Dieu choisit et consacre son grand prêtre (Moïse verse lhuile sur la tête dAaron, Exode 29, 7) et, plus tard, son roi messie, lui aussi consacré par une onction dhuile (1 Samuel 10, 1). Lhuile est alors appelée huile donction de sainteté (Ex 30, 31). Sa présence marquera toujours labondance des grâces divines (Ps 23, 5 ; Ps 92, 11 ; Ps 133, 2).
Le mot français messie vient de lhébreu mashiah dont la racine mashah signifie « oindre ».
Le mot messie napparaît dans la Bible quau livre du Lévitique, alors que sa racine oindre a déjà été employée quatorze fois, une seule en Genèse et treize en Exode. Oindre cest verser lhuile, comme il est dit dans la seule occurrence du mot en Genèse (31, 13), en rappel du geste de Jacob qui oignit la pierre sur laquelle sa tête avait reposé pendant son rêve (voir au Glossaire le mot huile).
À la suite du geste de Jacob, oindre est devenu le signe de la bénédiction particulière accordée par Yhwh à ceux quil choisit pour exercer la charge de le servir au nom du peuple. Cest Aaron, frère de Moïse, qui le premier recevra, avec ses fils, cette charge de servir Yhwh dans le sacerdoce (Ex 28, 41). La bénédiction est alors aussi donnée à certains objets pour les consacrer au sacerdoce de Yhwh , objets qui sont oints en même temps que la tête dAaron : les pains sans levain (Ex 29, 2) ; lautel sur lequel est offert le taureau en expiation des péchés (Ex 29, 36) ; la tente de la rencontre et larche du témoignage (Ex 30, 26) ; le tabernacle et les objets du culte (Ex 40, 9). Le prêtre est alors désigné par le terme de cohen ha-mashiah (le prêtre oint) pour la première fois en Lv 4, 3, terme qui, après avoir désigné Aaron, sappliquera aussi à ses fils, qui lui succéderont (Lv 6, 15).
Au temps du prophète Samuel, qui a guidé le peuple avec laide des prêtres comme au temps de Moïse, un changement va sopérer : Yhwh va relever la force de son Oint (1 S 2, 10) en dissociant les fonctions de messie et de prêtre (1 S 2, 35). Israël veut un roi, comme les autres peuples ; Saül sera le premier roi à recevoir lonction divine de la main du prophète (1 S 10, 1). LÉcriture, cependant, ne donnera nulle part le titre de messie à Saül ; cest David, seul, qui regarde Saül explicitement comme tel (1 S 24, 7.11 etc) et refuse pour cela de porter la main sur lui.
Or, cest à ce même David que lÉcriture donnera pour la première fois le titre de messie, au moment de sa mort (2 S 23, 1). Abondamment repris dans les Psaumes où il sapplique à David, ce titre, bien que toujours attaché au roi dIsraël, ne sera plus mentionné pour aucun dentre eux par la suite. Seuls seront ainsi nommés par lÉcriture : le roi Cyrus, roi de Perse ayant initié le retour dExil et la reconstruction du Temple (Is 45, 1), et le Messie annoncé par les textes apocalyptiques du prophète Daniel (Dan 9, 25-26).
À la suite dAaron, le grand prêtre est toujours resté cohen ha-mashiah, « prêtre oint » de Yhwh, mais dès lavènement du roi messie, le prêtre est devenu celui qui marche devant le messie de Yhwh (1 S 2, 35). Cest désormais le roi même qui est consacré dans la fonction sacerdotale, le grand prêtre nayant dautre fonction que doffrir le sacrifice au nom du roi messie.