Psaume 22 — Notes


 
 

  


verset 1
vers la biche de l’aurore

Cet incipit, unique dans le Psautier, est une introduction à la prière qui suit, pour préparer notre esprit et notre âme à la rencontre avec Dieu. L’« aurore », si attendue du veilleur dans la nuit, est cette venue de la lumière divine qui se dévoile dans les noces mystiques ; la « biche », substantif féminin d’une racine qui signifie « être fort, être le premier », caractérise la réalité tangible de cette venue dans sa nouveauté jaillissante, forte, ineffable ; « pour l’excellence » nous dit que le psaume va nous guider, orienter notre recherche de Dieu, de façon à ce que la préparation de notre âme soit aussi parfaite que possible, que l’épouse soit prête à accueillir l’Époux. La « nuit mystique » des vingt-deux premiers versets du psaume apparaît alors comme une admirable leçon d’humilité devant le silence de Dieu. L’homme qui n’accueille pas humblement cette désolation ne peut pas rencontrer Dieu ; seul celui qui tiendra jusqu’à la fin verra jaillir l’aurore.


verset 2
Mon dieu
hébreu : él-i

Le nom employé ici par David pour appeler Dieu est le mot él, de la racine oul ou yl qui signifie « être fort, être le premier ». Ce n’est pas tout à fait un nom divin. Pour ne pas trahir l’hébreu, il faudrait traduire par « mon fort » ou « mon puissant » (c’est-à-dire « ma force, ma puissance »). On peut à la rigueur écrire « mon dieu », mais pas « mon Dieu », qui ne se justifiera qu’au verset 3.


verset 3
Mon Dieu
hébreu : éloaï

Le nom employé ici par David pour appeler Dieu est le nom générique éloah, de la racine alah, « adorer », qui a donné Élohim (voir ce mot au Glossaire), c’est-à-dire le nom du Dieu qui crée le ciel et la terre (Gen, 1, 1).


verset 7
une cochenille
hébreu : tola’at

Le mot désigne l’insecte duquel on extrayait la couleur écarlate en le broyant : la cochenille. En évoquant ses pères, à la confiance desquels Dieu répondait favorablement David reconnaît son échec : il éprouve la honte d’être bafoué, confondu, honteux, puisque Dieu ne répond pas à ses appels, et il se sent rouge de confusion. Il se plaint ensuite de n’être même pas considéré (par Dieu) comme un homme, plainte qui lui est suggérée par la comparaison péjorative qu’il vient de faire de lui-même avec l’insecte dont le nom signifie « cramoisi » ou « revêtu d’écarlate ».


verset 9
s’en remettre
hébreu : gol

On peut lire aussi bien l’infinitif (impersonnel), « … s’en remettre à Yhwh », que l’impératif masculin singulier : « Abandonne-toi à Yhwh ».


verset 11
mon dieu
hébreu : él-i

David emploie ici le mot dieu (él : premier, fort, puissant) pour désigner la force qui le fait vivre ; c’est le mot qu’il employait déjà au verset 1, mais alors pour invoquer Dieu.


verset 17
comme le Lion
hébreu : ka’ari

Cette expression, avec l’article défini devant le mot « Lion », ne se rencontre que deux fois dans toute la Bible : Isaïe 38, 13 et Ps 22, 17. Elle désigne dans les deux cas le Lion de Juda (voir l’étude : “ Comme le Lion ”).
On observera en particulier que le mot « lion », présent aux versets 14 et 22 de ce psaume, y est écrit sans article et dans une orthographe différente : arieh au lieu de ari. Aux versets 14 et 22, ces lions symbolisent pour David la férocité puissante dont il demande à Yhwh, son berger, d’être délivré, tout comme lui-même, jeune berger, délivrait la brebis de la gueule du lion (1 Sa 17, 34-37). Au verset 17, la meute des chiens qui cernent et traquent David comme leur gibier, est celle de ses ennemis, qui veulent sa mort parce qu’il est le Lion de Juda, héritier de la Promesse. Ils l’ont ligoté « comme le Lion », c’est-à-dire en tant que Lion de Juda.
« Pieds et poings liés » évoque parfaitement la capture du lion dont les membres ont été solidement fixés sur un bois, pour anéantir son mouvement, sa force.
Pourtant, certains exégètes, au lieu de lire ka’ari, « comme le Lion », lisent kaarim, faisant de ce mot le participe actif pluriel du verbe kour auquel ils donnent le sens de « percer » ; la phrase devient alors : « ils ont percé mes mains et mes pieds ». Aucun manuscrit n’atteste cette inutile correction du texte ; en outre, le verbe kour ne se rencontre nulle part dans la Bible.
Enfin, d’autres exégètes préfèrent rattacher le mot ka’ari à la racine karah qui signifie creuser (un puits, une citerne, une fosse ; exemple : Ps 7, 16), donc creuser sans percer de part en part ; la lecture proposée est alors karou, « ils ont creusé », ce qui exige de supprimer la lettre aleph et de remplacer la lettre yod par un waw . On trouve quelques rares manuscrits portant de telles corrections, là encore inutiles et si peu convaincantes.


verset 20
force première
hébreu : èyalout

Ce mot vient de la même racine oul ou yl (être premier, être fort, chef) que le mot él rencontré aux versets 2 et 11 (et traduit par « dieu »). C’est de cette même racine que vient aussi le mot ayèlèt ou ayalah, la « biche » du verset 1.
Les mots èyalout et ayèlèt, assez rares, sont des variantes du mot ayal (cerf, daim) et de son féminin ayalah (biche, daine). Parmi les nombreux dérivés de la même racine, on trouve encore fréquemment le mot ayil (bélier, parfois force, aide, ou figure de proue), ainsi que les mots oul (éminence, prince, chef), èyal (force), él (héros, puissant, fort, dieu, idole) et eyl (noble, puissant), ce dernier mot désignant parfois le chêne ou le térébinthe, arbres qui, chacun dans son contexte culturel, relèvent encore du même symbole.


verset 21
la désolation

On peut aussi lire : « le glaive », « la lame », « le fil acéré ».


verset 21
mon unique

C’est-à-dire « ma vie ».


verset 22
le front de la licorne

Traduit d’après les LXX.
Le texte hébreu parle des « cornes » (qarené) d’« animaux » (rémim) mal connus, généralement pris pour des buffles. Mais le mot qèren, « corne », est le symbole de la force spirituelle (cf. Psaumes 75 et 89) ; en Ps 92, 11 on retrouve la même expression : “ Tu élèves ma force (qèren, corne) comme le reém ”. Le mot désignant l’animal est légèrement différent, reém au lieu rém (au pluriel respectivement reémim et rémim), mais leurs racines raam et roum ont le même sens : « être élevé ». On comprend ainsi que les LXX, plutôt que d’en rester à un bestiaire très hypothétique, aient préféré privilégier les valeurs morales représentées par l’animal. Le « front de la licorne » désigne ainsi la force spirituelle élevée et la haute valeur morale dont cet animal fabuleux était le symbole.


verset 24
restez avec lui

Littéralement : « demeurez, persévérez de lui », c’est-à-dire « ne cessez pas de tout attendre de lui » ou encore « n’allez pas l’abandonner pour vous fier à vous-même ».


verset 29
le Seigneur de cette génération
hébreu : adonaï la-dor

C’est-à-dire le Seigneur de « la génération en train de naître », comme il est dit au verset suivant, génération des hommes qui, en suivant David sur le chemin d’humilité qu’il vient d’ouvrir, pourront dire « nous » avec lui (verset 25), et s'adresser à Yhwh en disant « notre Seigneur ». Si l’expression « Yhwh notre Dieu » (Yhwh élohé-nou) est de loin la plus fréquente, on trouve aussi parfois « Yhwh notre Seigneur » (Yhwh adoné-nou), en particulier au Psaume 8 (versets 2 et 10) et en Néh 10, 30. Le terme adoné-nou, « notre Seigneur », n’est pas rare pour parler de Yhwh ; il est donc normal de trouver ici, dans cette situation unique, une expression unique (hapax) : « le Seigneur de cette génération ».

Sur le mot Seigneur, Adonaï, on consultera le Glossaire.