Les Psaumes 1 et 2 constituent ensemble lIntroduction au Livre des Psaumes dIsraël. Le premier oriente lHomme dans sa recherche du bonheur : il lui montre la bonne voie. Le second met en garde les contestataires : hormis la ruine, il ny a pas dautre issue que de sappuyer sur Dieu, en totale confiance. Après cela, tout le Livre des Psaumes ne sera que développement, par la prière et la méditation, dune expérience de vie humaine dont chaque moment confirmera le bien-fondé de cette Introduction.
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Le premier Psaume sadresse à lhomme seul avec sa conscience, sinterrogeant devant la diversité de comportement des autres hommes. Que faire ? Où aller ? Où être bien ? Le titre, Bonheurs de lHomme, annonce lorientation vers la bonne voie. Dès les premiers mots sont écartées les principales fausses pistes. Non, le bonheur nest pas dans les combines de ceux qui vivent hors-la-loi, ni dans les cercles de beaux parleurs qui dénigrent toute gouverne, encore moins dans la philosophie de ceux qui font le mal. Non. Le bonheur vient à lécoute de lenseignement divin. Lhomme est sur la bonne voie quand il rumine lÉcriture pour y chercher cet enseignement : la Parole. Là, il trouve ses délices. Et il vit ! Oh bonheurs ! Ne vous occupez pas de ceux qui font le mal : ça ne mène à rien ! tout ça finira par disparaître. Parce que Dieu est avec ceux qui le cherchent, exclusivement : cest lui qui entoure le juste de sa protection et qui le comble de bonheur, David en témoignera pour nous (cf Ps 23).
Cependant la « bonne voie » nest pas semée de roses. Dans les jalons que lon parcourt avec David, en particulier depuis le Ps 3 jusquau Ps 22, le roi dIsraël nous raconte, dans sa prière souvent plaintive mais toujours confiante, la longue suite des épreuves par lesquelles il a dû passer avant de parvenir en présence de Yhwh. Ce nest quau terme dun itinéraire dont Dieu seul a la maîtrise, quil découvre, à la fin du Psaume 22, la lumière de laurore mystique. Celui qui sengage dans cette voie doit se préparer à lépreuve formatrice, aux contraintes dapprentissage de la vie divine : comme un homme châtie son fils, Yhwh ton Dieu te châtiera (Dt 8, 5).
Voilà précisément, au Psaume deuxième, ce que certains contestent. Et non des moindres : les responsables, les chefs. Trahissant leur mission auprès du peuple, unis dans un même complot, ils se révoltent pour se dégager de la tutelle divine : ils rejettent le messie ! Dieu sourit comme un homme qui voit son enfant se dresser contre lui. Puis il authentifie lélection de son messie, le roi. Écoutons-le. Lélu de Dieu confirme que tout pouvoir lui a été donné, quaucune force organisée ne pourra résister au jugement divin, et que la révolte est vouée à léchec. Il ny a pas déchappatoire : Servez Yhwh, mettez votre confiance en lui, laissez-vous guider par sa Parole, suivez son élu ; à défaut, vous disparaîtrez au jour de la colère de Dieu. Et le Psaume 2 se referme sur cet écho à louverture du Psaume 1 : la bonne voie, la voie des bonheurs souvre à tous ceux qui mettent leur confiance en Dieu.
Les deux psaumes sont reliés par une même forme, incluse entre la première incise-titre « bonheurs de lhomme » et la dernière incise-conclusion « bonheurs de tous ceux ». On en remarque la construction en six tercets de trois versets chacun, deux pour le premier psaume, quatre pour le second. Chacun de ces six tercets contient une idée maîtresse, à laquelle le suivant apporte la réplique, et dun tercet à lautre se construit lexposé, jusquà conclure largument. On peut ainsi résumer les thèmes successifs :
Certaines traditions juives ont pu considérer ces deux psaumes comme un seul, tant leur unité emporte ladhésion. Le premier, en effet, expose la thèse complète, souvent décrite comme un choix entre les « deux voies » : celle du juste, vers le bonheur, et celles des impies, sans issue ; le second en développe les modalités, principalement à lintention des opposants les plus influents. Le messie ne fait que reprendre, pourrait-on dire, sous une forme pratique plus développée, le principe du Psaume 1, jusque dans la conclusion du verset 2, 12.
On ne peut cependant pas fondre les deux psaumes en un seul, car il faut franchir un seuil pour passer du premier au second : Dieu a envoyé son élu. Au Psaume 1, lÉcriture sadresse à un homme dont la foi est forte, assez forte pour ne pas se laisser rebuter par léchec, pour accepter la correction, pour obéir à la Parole sans en comprendre les raisons (comprendre, ce sera la récompense de la foi). Mais devant la faiblesse des hommes, qui refusent la correction, qui veulent décider par intérêt plutôt que par confiance, Dieu, nous le comprenons au Psaume 2, choisit un homme plus avancé sur la « bonne voie », un homme plus juste parmi les autres, celui dont la foi sest montrée la plus forte. Cet homme est élu pour jouer un rôle double. Il montre dabord, par son exemple, que la « bonne voie » nest pas un vain mot, et son histoire est un appel puissant : il la fait, nous pourrons le faire. Lélu garantit lissue du chemin de la foi. Il peut ensuite guider les hommes ses frères par son enseignement : servir la divinité est une allégresse ; obéir comme un « fils », accepter de recevoir instruction de sa Parole : cest le chemin sur lequel Dieu nous appelle pour faire de nous ses héritiers. Lélu est pour les hommes leur guide le plus sûr.
Tout le dit dans ces deux psaumes : par sa parole et par son élu, Dieu conduit lhomme vers la félicité. Quelque rebutant que paraisse le chemin, cest le seul ; mais tout au long de la traversée nous sommes guidés, comme il est rappelé aux Hébreux découvrant la terre promise : Yhwh ton Dieu ta porté, comme un homme porte son fils, sur tout le chemin (Dt 1, 31). On observe que dans ce verset (ainsi quen Dt 8, 5 : comme un homme châtie son fils, Yhwh ton Dieu te châtiera) Dieu est décrit comme un père faisant léducation de son fils, et pourtant le mot « père » ne figure nulle part alors quil est signifié de manière évidente. Même particularité au Psaume 2, où le mot « fils » figure sous deux formes différentes, mais le mot « père » ne sy trouve pas. Ceci nous enseigne que Dieu agit auprès de lhomme en père invisible. Cependant, comme dans ces dessins en forme dénigme où se cache un personnage à découvrir, le mot « père » est présent, mais il est caché entre les lignes. Les deux Psaumes se succèdent comme un et deux, ce qui en hébreu (les chiffres sécrivent avec les lettres) se traduit par les deux premières lettres de lalphabet, aleph (1), beth (2), lettres qui dans cet ordre forment ensemble le mot : ab, « père ». Et pour confirmer ce signe, observons aussi que lon passe des six versets du Psaume 1 aux douze versets du Psaume 2, par la même suite de 1 (aleph) à 2 (beth) sur la base du chiffre 6, chiffre du jour de la création de lhomme (Gn 1, 26-31).
Cest Dieu qui, comme un père, construit lhomme. Et il ne reste plus à ce dernier quà le découvrir, à laccepter, jusquà le désirer, pour toucher au bout du chemin. Dieu construit lhomme comme il construit tout lunivers, car ce même signe, présent dans les deux premiers psaumes, se trouve déjà dans les deux premiers versets de la Bible, Genèse 1, 1 et 1, 2 qui comprennent : le premier sept mots, le second quatorze. Ainsi, les « trois fois six » premiers versets du Psautier disent sur lhomme, créé au 6ème jour, ce que les « trois fois sept » premiers mots de la Genèse disent pour lunivers entier, créé au 7ème jour : Dieu créateur, père invisible de toute chose.
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( à suivre ) |