Le cheminement spirituel de l’aveu à la louange
(Annexe à l’article aveu, louange du Glossaire)

La recherche de Dieu est d’abord coûteuse, douloureuse pour qui veut s’approcher du ciel. Car elle exige un effort sur soi, un sacrifice de reconnaissance par lequel il nous faut renoncer à ce que nous tenons pour notre bien le plus précieux. Mais ceux qui sèment dans les larmes, en jubilant moissonneront. Au départ, on s’en va, plaintif, portant le poids de la semence ; à l’arrivée, on entre, jubilant, portant ses gerbes de moisson. (Ps 126, 5-6). Ces versets réconfortants du Chant des Montées nous confirment que cet aveu, dont nous avons du mal à comprendre le bien-fondé, débouche toujours sur la louange et la jubilation, comme la conséquence naturelle et spontanée de l’expérience vécue. C’est encore ce que nous dit David au terme de sa montée : Ils loueront YHWH ceux qui le cherchent (Ps 22, 27). David exprime alors sa joie avec un verbe “ louer ” qui n’est plus hodah, mais hillel, célébrer, louer de manière éclatante. Cette forme exaltée de la louange, ce verbe hillel qui passera dans toutes les langues sous la forme Célébrez YHWH ! “ Hallélou-Yah ! ”, fait au Psaume 22 son entrée liturgique dans le livre de prières d’Israël (après trois emplois ordinaires, qui en circonscrivent le sens) ; il apparaîtra ensuite de plus en plus, au fil de la montée spirituelle, jusqu’à devenir l’unique verbe du Psaume 150, ultime exhortation chantée douze fois dans les six derniers versets du Psautier !

Dans les premiers Psaumes, cependant, c’est le verbe hodah qui seul est présent et va jalonner la montée spirituelle, depuis l’aveu douloureux jusqu’à la louange de plus en plus spontanée, joyeuse, éclatante. Au Psaume 6, la toute première occurrence marque une encore bien médiocre compréhension de l’aveu chez David : « Sauve-moi […] car toute mémoire de toi disparaît dans la mort. Qui te louera au shéol ? » (Ps 6, 6). À lire au second degré. Ici, Dieu inspire à son bien-aimé dans l’enfance spirituelle, un argument (fallacieux mais) très à sa portée. Car Dieu est sourd au chantage, mais David ne le sait pas encore. Ainsi croyons-nous que Dieu, comme le ferait un homme, cherche à être glorifié pour lui-même.

Au psaume suivant, David a déjà progressé, et ce n’est plus Dieu qu’il cherche à convaincre, c’est nous, « à cause de la justice de Dieu » :

(Ps 7, 18) Je louerai YHWH à cause de sa justice. Je chanterai le nom de YHWH, du Très-Haut.

Nouveau venu, le verbe chanter (ou plus précisément « psalmodier », hébreu zamar) annonce une certaine publicité. S’y ajoute bientôt le verbe raconter, et la louange commence à devenir gratuite :

(Ps 9, 2) Je louerai YHWH de tout mon coeur. Je raconterai toutes tes merveilles.

On ne loue pas Dieu pour satisfaire une exigence divine arbitraire, mais parce qu’on a vu l’action divine, et qu’on veut le crier partout !

Plus loin : Vive YHWH ! chante David pour conclure le Psaume 18, béni soit mon rocher ; le Dieu de mon salut sera exalté […] Tu me dégages de l’homme de violence :

(Ps 18, 50) Aussi je te louerai parmi les nations, ô YHWH ! car c’est ton nom que je veux chanter (psalmodier).

David a reconnu le pouvoir de Yhwh, il le confesse, il en a fait l’aveu et se prépare à le rendre public.

Enfin, c’est au terme de sa longue nuit d’épreuve, au Psaume 22, qu’il exulte en présence de Dieu. Il échange alors le verbe hodah (confesser, louer) pour le verbe hillel (célébrer, louer avec éclat) dont c’est l’entrée solennelle au Psautier, louange éclatante proclamée à trois reprises et accompagnée des verbes sapher (raconter) et kabed (glorifier), tout cela devant l’assemblée des frères et des descendants de Jacob :

(Ps 22, 23) Je raconterai ton nom à mes frères, je te célébrerai au milieu de l’assemblée.
(Ps 22, 24) Vous qui craignez YHWH, célébrez-le ! Vous tous, descendants de Jacob, glorifiez-le! Tremblez devant lui, vous tous, descendants d’Israël !
(Ps 22, 27) Les pauvres mangeront et seront rassasiés ; ceux qui cherchent YHWH le célébreront.

À partir du Ps 22, les deux verbes louer et célébrer sont employés concurremment dans le corps du Psautier :

(Ps 35, 18) Je te louerai dans la grande assemblée, Je te célébrerai au milieu d’un peuple nombreux.
(Ps 105, 1) Louez YHWH, invoquez son nom ! Faites connaître parmi les peuples ses actions !
(Ps 111, 1) Célébrez YHWH ! Je louerai YHWH de tout cœur, dans la confidence des hommes droits, et dans l’assemblée.

sans perdre de vue que l’aveu-louange vise toutes les actions divines, y compris celles que personne ne voit sauf celui qui en bénéficie, les actions divines quotidiennes (Ps 105, 1) et pas seulement les “ merveilles de Dieu ” qui font s’écarter la mer Rouge pour le passage des Hébreux.

Enfin, le Psautier s’achève sur une louange éclatante, nourrie par cet aveu débordant que la montée a fait naître et qui change maintenant de registre : après sa dernière occurrence au Psaume 145 le verbe hodah n’apparaîtra plus, tandis que le verbe hillel retentit encore à trente-quatre reprises dans les cinq derniers psaumes, jusqu’aux douze coups de cymbales du Psaume 150.


HebraScriptur 6.5
rév. 6.7
Retour à l’article aveu, louange du Glossaire


Fermer