Le verbe qadash entre dans la Bible dès le premier récit de la Création, où il décrit une action divine fondamentale :
Élohim bénit le septième jour, et il le sanctifie, car en lui il sabstient de tout son uvre que Élohim crée pour agir. (Gn 2, 3)
Ce verset, qui conclut le premier récit de la création, nous apprend tout dabord que Dieu crée pour agir, ce qui signifie que son uvre ne se limite pas à créer tout ce qui existe, vit et respire, mais encore que Dieu agit, Dieu intervient dans lhistoire de ses créatures, et ce verset nous dit que l'intervention divine est la finalité même de la création. Nous apprenons ensuite quau septième jour, Dieu sabstient de tout son uvre, donc de créer aussi bien que dintervenir sur le créé. Cest labstention totale, parfaite. Au septième jour, Dieu renonce jusquà toute intention, à toute visée, à toute recherche, ouvrant ainsi liberté absolue à sa création.
Par conséquent, labstention est lacte gratuit par excellence, et la Bible nous dit que cest en cela que le septième jour est sanctifié, mis à part, consacré par Dieu. Observons que le verbe qadash est ici à la forme intensive, le Piel, signe dune volonté forte, et comme cest lunique emploi de ce verbe dans toute la Genèse, on voit à quel point cette abstention divine acte ultime de la création constitue la référence solennelle de la sainteté, le modèle divin sur lequel il nous faut concentrer toute notre attention.
Le substantif qodesh, extrêmement fréquent dans la Bible (plus de 400 occurrences), napparaît cependant quavec le livre de lExode. On peut en pressentir la nature dès la Genèse, avec la racine verbale du mot : sanctifier. Mais lapproche du sens de la sainteté ne sera vécue par les Hébreux quau cours de la longue marche du peuple à travers le désert, au cours de son Exode.
La sainteté est une marque exclusivement divine, et laction de Dieu seule peut faire venir lhomme à la sainteté. Ces deux traits sont comme gravés au livre de lExode dans les six premières occurrences du mot, apparaissant en deux groupes de trois. Le premier de ces deux groupes situe le lieu et le temps de la marche que Dieu conduit vers la sainteté :
ce lieu est terre de sainteté (Ex 3, 5)et le second groupe chante, par la voix de Moïse, la sainteté de Dieu :
au premier jour : convocation de sainteté (Ex 12, 16)
et au septième jour : convocation de sainteté (Ex 12, 16) ;
Qui? comme toi, éclatant de sainteté? (Ex 15, 11)
Tu les guides vers la demeure de ta sainteté (Ex 15, 13)
Tu les fais entrer, et tu les implantes, à la montagne de ton héritage :
fondation pour que tu y sièges, que tu as réalisée, YHWH,
de sainteté, Adonaï, que tes mains ont fondée. (Ex 15, 17).
Entre ces deux groupes, comme une toute première instruction donnée par Yhwh pour sengager sur le chemin de la sainteté, le verbe consacrer (de même racine) apparaît pour la première fois au livre de lExode, après son entrée unique en Genèse (Gn 2, 3 : Dieu sanctifie le septième jour) :
Consacre-moi tout premier-né (Ex 13, 2).
Ladjectif « saint », qadowsh ou qadosh, est nettement moins fréquent dans la Bible (une centaine doccurrences) que le substantif « sainteté ». Il présente deux écritures possibles (pleine ou défective) dont lapparition simultanée dans le même verset éclaire la nuance de sens apportée par lécriture défective :
Vous serez saints, car (je suis) Saint, moi, YHWH.Dans ce verset, YHWH est Saint (qadowsh) ainsi que proclamaient les séraphins devant Isaïe (6, 3) : « Saint! Saint! Saint! YHWH Çabaoth! ». Lécriture pleine qualifie la sainteté de Dieu ; l'écriture défective (qadosh), dans laquelle il manque la lettre waw, qualifie une sainteté imparfaite, celle de lhomme en progrès vers Dieu.
(Lv 19, 2) (voir aussi Lv 11, 44 et 45, 20, 26)
Ladjectif « saint » sapplique le plus souvent à Dieu et au Nom divin (écriture pleine). LÉcriture parle parfois de « nation sainte » (Ex 19, 6 : écriture pleine), de « peuple saint » (presque toujours en écriture pleine), de « lieu saint » (presque toujours en écriture défective), jamais de terre sainte (voir « terre de sainteté »).
Dieu seul est saint, et seule laction divine fait avancer vers la sainteté lhomme qui répond à lappel divin, qui suit la parole divine. Le verset cité plus haut exprime la même vérité : « Vous serez saints » non par vos efforts, non par vous-même, mais seulement par laction de Dieu sur vous que vous accepterez.