faire le mal
Hébreu : rash’a

Le verbe rash’a n’est pas très fréquent dans la Bible. On le rencontre 34 fois :

Les dérivés du verbe sont plus fréquents. On peut en distinguer trois :

  1. le nom masculin rèsh’a « impiété, méchanceté », qui désigne aussi bien un acte impie, méchant ou coupable, que la notion générale et abstraite de l’impiété (méchanceté ou culpabilité), notion qui s’oppose à celle de la justice çèdèq. Sous cette forme, au singulier, on rencontre le mot 29 fois.

  2. le nom féminin rish’ah qui signifie lui aussi méchanceté, impiété, culpabilité, mais toujours dans le sens d’une notion abstraite, l’impiété. Ce féminin est toujours au singulier (le pluriel n’aurait pas de sens) ; on le trouve 15 fois dans la Bible.
    Le sens de rish’ah est voisin de celui du masculin rèsh’a, mais avec une nuance de mouvement, de dérive. Cette dérive coupable est visible, par exemple, dans le verset suivant d'Ézékiel (5, 6) :
    [Jérusalem] a contesté mes commandements jusqu’à « se rendre plus coupable » que les nations […] qui l’entourent…
    De même que l’impiété rèsh’a s’oppose à la justice çèdèq, l’impiété rish’ah s’oppose à la justice çedaqah.

  3. l'adjectif rash’a « impie, coupable, méchant, malfaisant », plus souvent employé comme nom pour désigner une personne : un impie, un coupable, un méchant, un malfaisant. Au singulier, ce mot est le plus fréquent des trois dérivés du verbe avec 126 occurrences.

Le nom féminin n’ayant pas de pluriel, les difficultés surgissent avec le pluriel du masculin. Car le masculin rèsh’a (une impiété) et l’adjectif substantivé lui aussi masculin rash’a (un impie) ont tous les deux le même pluriel : resh’aïm. Ce qui pose un problème de lecture à chacune de ses occurrences : s’agit-il des impiétés ou des impies ? des méchancetés ou des méchants ?

On compte 129 occurrences de ce pluriel, sensiblement la même fréquence qu’au singulier. Dans la plupart des cas, le contexte impose de lire le sens « impies », car la lecture « impiétés » serait aberrante. Mais lorsqu’elle a un sens, il est frappant de constater que cette lecture n’est retenue par aucun témoin. Le dictionnaire des concordances de S. Mandelkern (1895) classe les 129 occurrences du pluriel à la rubrique impies, la rubrique impiétés étant entièrement vide.

Cette classification ne fait que refléter la lecture des traditions les plus éminentes (Septante, Targum, Vulgate) comme des traductions les plus récentes ; à les suivre, on serait tenté de croire que la Bible ne s’intéresse qu’aux « méchants », ignorant tout des vilenies (« méchancetés ») dont ceux-ci se rendent coupables. En vérité, c’est tout le contraire : Dieu condamne le péché, non le pécheur dont il attend qu’il se convertisse. Mais les hommes sont faibles, même lecteurs assidus de la Bible ; alors que celle-ci nous guide en nous montrant les fautes à ne pas commettre, ils préfèrent se substituer au Juge et n’y voient que des coupables à dénoncer.

Dans les traductions présentées ici, on a pris le parti opposé à cette lecture trop systématique. Chaque fois qu’il est possible, sans perdre en clarté du texte, de comprendre « actions » plutôt que « acteurs », on a traduit resh’aïm par malveillances ou impiétés, quitte à jouer sur la polysémie de certains mots du contexte s’il en résulte une lecture plus éclairante. La qualité spirituelle du texte hébreu s’en trouve fréquemment enrichie, notamment dans les Psaumes, qui contiennent à eux seuls le tiers des occurrences de ce mot.


rev. HebraScriptur 6.4