Psaume 63 — Notes


Ps 63, 1
En désert de Juda
hébreu : be-midbar yehoudah

En première lecture, il apparaît que David récitait ce psaume alors qu’il avait fui au pays de Juda pour échapper à Saül (1 Sam 22, 5), plus précisément au désert de Ziph (au sud-est d’Hébron, donc au pays de Juda) où Saül le rechercha, “ mais Dieu ne le livra pas ” (1 Sam 23, 14-15).
Cependant, la forme de l’infinitif construit du verbe être (qui à la différence du français n’est jamais un auxiliaire, mais qui décrit l’action d’exister) indique une action forte, “ être en désert ”, plutôt qu’une circonstance. D’autre part, le mot midbar, désert, prend parfois le sens de “ propos, parler, langage ” (cf. le “ propos avenant ” de la Bien-Aimée, en Ct 4, 3) conformément à la racine du mot, dabar, parole. Le désert est le lieu « d’où la parole » se manifeste. Dieu conduit l’homme au désert pour qu’il y éprouve l’adversité et apprenne à vivre dans la foi, uniquement de l’action divine, c’est-à-dire de la Parole (en hébreu le même mot : dabar). C’est la leçon essentielle de l’Exode du peuple de Dieu vivant au désert pendant quarante ans sous la conduite de Moïse.

Ces remarques invitent à voir, dans l’incipit du psaume, une indication spirituelle, davantage qu’un repère historique. Le psaume exprime la prière de David alors qu’il est en désert, éprouvé par Dieu. Son attitude consiste alors à vivre de la Parole, c’est-à-dire de l’héritage reçu de son père Israël (Jacob), héritage dont les termes peuvent être désignés par l’expression « langage de Juda » :
Lionceau de lion, Juda ; la proie, mon fils, t’a exalté.
Il s’abaisse, il se couche comme un lion ; comme un léopard, qui le fera lever ?

(Gn 49, 9)
Par ce testament, Israël indique à Juda l’attitude spirituelle que l’homme doit constamment rechercher (cf « Comme le Lion »).
Ainsi, dans ce psaume, David médite et témoigne pour nous de cette attitude : « être en désert de Juda », donc vivre en « Lion de Juda », en homme comblé de grâce, quelle que soit l’adversité rencontrée, parce que l’on vit exclusivement de Dieu.
Le nom de Juda prend ici tout son sens. Yehoudah vient de hodah, « confesser librement », publiquement, et le nom de Juda signifie « confessé, loué ». Le « langage de Juda » avec lequel David cherche Dieu est alors celui du profès, confesseur de la foi qui ne s’appuie que sur Dieu et dont la vie en témoigne. En dernière analyse, on pourrait donc traduire l’incipit du psaume par « Psaume de David, dans son “ exister de la Parole confessée ” ».


Ps 63, 2
épuisée

En hébreu l’adjectif épuisé est au masculin car la chair est un nom masculin, tandis que la terre est féminin comme en français.
C’est bien la chair de David qui se languit de manquer de cette eau vive qui vient de Dieu.


Ps 63, 4
bonté
hébreu : hèçed

Bonté, bienveillance, ou bénévolence : qualité de qui désire le bien d’autrui. C’est le premier attribut de Yhwh “ plein de bonté et de vérité ” (Ex 34, 6), le signe premier de l’amour de Dieu pour les hommes : Dieu veut le bien de l’homme.


Ps 63, 5
je tends les mains

Littéralement « je lève mes paumes ».
La Bible ne confond pas les “ paumes ” avec les “ mains ” ; elle distingue : David nous dit ici qu’il tend les mains pour recevoir les grâces divines, qu’il demande au nom du Seigneur et que Dieu lui donne en abondance (verset suivant).


Ps 63, 7b
je médite en toi

Toi, c’est-à-dire Dieu, à qui David s’adresse. Mais l’ambiguïté vocale du mot bakhe, qui peut indiquer ici le féminin comme le masculin, permet d’y voir une allusion à la Torah, la Parole, véritable féminin de Dieu auquel David s’adresse parce qu’elle est l’interlocuteur qui lui parle pour Yhwh. A l’appui de cette observation, on remarquera la similitude de cette incise avec le verset Ps 1, 2b (voir la note correspondante) : « il est sur la bonne voie, celui qui médite (même verbe hagah ) la Torah jour et nuit ». On retrouve ces mêmes termes dans l’exhortation que Yhwh adresse à Josué après la mort de Moïse : “ Que ce livre de la Torah ne s’éloigne pas de ta bouche; médite-le jour et nuit… ” (Jos 1, 8). Ce n’est pas par hasard que David est abondamment nourri des grâces divines ; méditer la Parole est pour lui un plaisir.


Ps 63, 10
Mais ceux-là !

« Ceux-là », ce sont d’abord les poursuivants de David, emmenés par Saül (1 Sam 23, 14-28, cf. Commentaires) ; ce sont également ceux dont parle David au début du psaume précédent (Ps 62, 4) : le Psaume 63 est la suite logique du Psaume 62.


Ps 63, 10
ils aboutiront aux profondeurs de la terre

De même que le verset 7b nous a renvoyé au début du Psaume 1, les versets 10-11 nous renvoient à la fin du Psaume 2. Ceux qui refusent de vivre la Parole, qui refusent les liens avec Yhwh et son messie-roi, ceux-là iront à leur perte (Ps 2, 12).


Ps 63, 12
qui s’engage totalement en lui

Cette incise renvoie elle aussi au Psaume 2, à sa dernière incise (2, 12).
Alors que sont “ sur la bonne voie tous les hommes qui sont confiants en lui ” (Ps 2, 12, le participe actif est au pluriel), seul sera glorifié l’homme “ s’engageant totalement en lui ” (Ps 63, 12 : le participe actif est au singulier, précédé de l’article qui a ici valeur de pronom relatif). Et ce sont en particulier les premiers qui rendront gloire à ce dernier, car sa foi totale fait de lui le juste grâce auquel ils auront échappé au jour de colère, pour avoir fait corps avec lui. Dieu pardonne au pécheur qui met sa confiance en son messie.


Le Lion de Juda

L’attitude spirituelle du Lion de Juda a déjà été signalée à propos de l’incipit du Psaume 63. L’expression renvoie au testament d’Israël à son fils Juda (Genèse 49, 9) : Sois humble, comme un fils qui reçoit tout de son père.
Il est rappelé que ce thème, « Demeure vers le lion », fait l’objet de l’étude « Comme le Lion ».