Ces deux mots sont issus dune même racine anah, qui signifie parfois « donner un travail », mais le plus souvent « être humilié, affligé ». Parmi les nombreux dérivés de cette racine, les deux mots ani « pauvre » et anouw « humble » ont des sens différents et ne doivent pas être confondus :
ani (singulier) et aniyim (pluriel) qualifient ceux qui sont matériellement pauvres, nécessiteux, éprouvés par le besoin quils subissent comme une humiliation ;
anouw (singulier) et anawim (pluriel), qualifient ceux qui sont humbles par douceur naturelle, par humilité acceptée et non par humiliation subie. Dérivant de cet adjectif, le substantif anouwt désigne l« humilité », mot qui ne se rencontre quune seule fois dans toute la Bible, en Ps 22, 25. De la même façon, ladjectif anouw ne se rencontre quune seule fois, en Nombres 12, 3 : Lhomme Moïse était excessivement humble, parmi tous les humains qui sont sur la face de la terre.
Au Psaume 22, il est écrit que Yhwh ne méprise ni ne déteste lhumilité du pauvre. LÉcriture ne confond pas les deux mots. En effet, Dieu ne regarde pas la fortune, les revenus ou la pauvreté matérielle des hommes, car les hommes regardent les apparences, mais Yhwh regarde le cur (1 Sam 16, 7). Ce qui compte pour Dieu, cest le regard que chaque homme porte sur les biens quil possède, ou quil ne possède pas. Abram, qui était très riche (Gn 13, 2), est cependant parti, a tout quitté, à lappel du Dieu qui se révélait à lui. À linverse, le pauvre peut très bien jalouser le riche pour ce quil na pas, et ainsi déplaire à Dieu par son manque dhumilité. Ce nest pas le pauvre (ani) qui a la faveur de Dieu, mais celui qui est humble (anouw), quelle que soit sa pauvreté ou sa richesse.
Cependant les hommes de tous temps, cherchant à faire valoir ce quils tiennent pour leurs mérites, veulent tenir la pauvreté pour une vertu. Ainsi, il existe une grande quantité de manuscrits sur lesquels le mot écrit (K, khétiv) : aniyim (pauvres), porte une annotation en marge pour le lire (Q, qéré) : anawim (humbles). Mais il existe aussi des manuscrits où, pour le même passage, cette correction napparaît pas ; ces témoins nous disent la propension humaine à vouloir sattribuer des mérites qui nappartiennent quà Dieu seul.